Polémique autour de l’inauguration d’un chalutier géant à Concarneau

Le tout nouveau navire de la première entreprise de pêche en France d’espèces pélagiques -ne vivant pas sur le fond- a été présenté jeudi à la presse. Son directeur général a vanté les « innovations majeures » dont est doté le navire de 81 mètres de long et 17 de large.

« Nous faisons un grand saut technologique avec la mise en service de ce bateau », s’est félicité Geoffroy Dhellemmes, fils et petit-fils d’armateurs. « De nombreuses tâches sont automatisées à bord », a détaillé le dirigeant.

Le navire dispose en outre d’une double propulsion diesel-électrique. Sa manoeuvrabilité est ainsi améliorée et le bruit et la consommation réduits. Le processus de congélation a lui aussi été amélioré et en matière de confort et de sécurité, il est notamment doté d’un pont arrière semi-fermé et d’une salle de sport…

L’arrivée de ce nouveau navire, embarquant une trentaine de marins, est cependant critiquée par les associations environnementales.

Environ 150 personnes, dont des pêcheurs, se sont rassemblées vendredi à proximité du chalutier lors de son inauguration. Des poissons ont été jetés en direction du navire. « Non aux chalutiers géants fossoyeurs de la pêche artisanale », pouvait-on lire sur une banderole noire.

France Pélagique « fait partie du lobby de la pêche industrielle néerlandaise et défend avec ferveur des méthodes de pêche incompatibles avec le maintien de la ressource et des emplois », a dénoncé l’association Pleine Mer, à l’origine de l’action.

L’armement est une filiale du groupe néerlandais Cornelis Vrolijk, un acteur important de la pêche en Europe.

L’ONG Bloom a dénoncé « l’industrialisation du secteur, synonyme du pillage des écosystèmes marins, de l’accaparement des quotas, du mépris du bien commun et de la disparition des pêcheurs artisanaux ».

– « mauvais procès » –

« Le Scombrus peut pêcher à lui tout seul 200 tonnes de poisson par jour, alors qu’un bateau de moins de 12 mètres pêche autour de quelques tonnes par an », assure Charles Braine, président de Pleine Mer.

La pêche pélagique « est extrêmement réglementée », se défend Geoffroy Dhellemmes, précisant que le navire ramène dans ses entrailles 120 tonnes de poisson par jour. « Nous ne pouvons pas pêcher ce que nous voulons », souligne-t-il, évoquant les quotas imposés par l’Union européenne.

« C’est un mauvais procès qu’on nous fait, » estime le dirigeant.

« Nous ne pêchons pas les mêmes espèces, ni dans les mêmes eaux » que les pêcheurs artisanaux, explique-t-il, soulignant que les poissons pêchés par son armement n’ont pas la faveur des consommateurs français.

Ses deux navires-usines débarquent aux Pays-Bas des harengs, du maquereau, du chinchard, du merlu bleu et de la sardine, pêchés au large de l’Irlande, de l’Angleterre, de l’Écosse et dans le Golfe de Gascogne. Le poisson est ensuite vendu en Afrique, Asie, au Japon et en Europe de l’Est.

Mais pour Pierre Morera, pêcheur depuis 31 ans dans le Var, venu manifester à Concarneau, « si vous détruisez une espèce de poissons au large vous avez des répercussions énormes sur le reste de la biodiversité ».

« Je connais plein de pêcheurs qui n’ont pas de quotas, alors que France Pélagique a des quotas énormes », peste-t-il. L’armement pêche jusqu’à 44.000 tonnes de poissons par an.

Autre point de discorde, les prises accidentelles. France Pélagique assure qu’elles représentent moins de 1% du total de poissons pêchés.

Les chaluts pélagiques – longs de 300 mètres pour le Scombrus- sont notamment accusés d’être responsables de la mort de nombreux dauphins.

« On en voit un de temps en temps, mais c’est très rare », assure Denis Thomazeau, second capitaine du Scombrus. Le chalut est doté « d’une trappe de sortie pour les gros poissons », explique-t-il, faisant état également de l’utilisation de dispositifs acoustiques, appelés « pinger », destinés à éloigner les cétacés et autres mammifères marins des chaluts.

sf/gvy/eb

GASCOGNE

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