– Ormuz épargné –
Si les cours de l’or noir ont connu un bref sursaut lundi en ouverture de séance, ils se sont ensuite stabilisés, autour de 77 dollars pour le baril de Brent de la mer du Nord, la référence mondiale, passant même brièvement dans le rouge.
Le transit des tankers dans le très stratégique détroit d’Ormuz, qui relie le golfe Persique au golfe d’Oman, ne semble à ce stade pas perturbé par Téhéran.
« Les images satellites suggèrent que le pétrole continue de circuler », ce qui explique « la réaction modérée » du marché, a souligné Ipek Ozkardeskaya, analyste chez Swissquote Bank.
Plus de 20 millions de barils de brut transitent chaque jour dans ce court détroit, soit un cinquième des flux pétroliers mondiaux et un tiers du trafic maritime de pétrole. Une marchandise surtout destinée au marché asiatique.
Ce passage est particulièrement vulnérable en raison de sa faible largeur, 50 kilomètres environ, et de sa profondeur, qui n’excède pas 60 mètres.
Sa fermeture constituerait un « cauchemar absolu », qui ferait exploser les prix, selon Arne Lohmann Rasmussen, analyste de Global Risk Management.
Interrogé par l’AFP, Ole Hvalbye, analyste de SEB, estime que le seuil des 100 dollars serait alors dépassé pour le baril de Brent.
– Craintes modérées sur la réplique iranienne –
Ormuz est « hautement surveillé d’un point de vue mondial », notamment par la marine américaine, relève Ole Hvalbye. « Un véritable blocus pendant des semaines est très improbable. »
Cet analyste n’exclut cependant pas des attaques ciblées sur des compagnies maritimes occidentales de la part de « petites embarcations avec des armes, par des mines » ou des missiles.
Souvent brandie par l’Iran, la menace d’un blocage de ce détroit n’a jamais été mise à exécution. Le chef de la diplomatie américaine, Marco Rubio, a prévenu lundi qu’un tel choix constituerait « une autre terrible erreur » et « un suicide économique » pour Téhéran, qui dépend des exportations de pétrole.
Certains investisseurs « pensent que l’Iran évitera de riposter pleinement et de provoquer un chaos régional afin de protéger ses propres installations pétrolières », qui pourraient devenir des cibles, selon Ipek Ozkardeskaya.
Une escalade nuirait en outre à la Chine, principal client du pétrole de l’Iran, neuvième producteur au monde avec 3,3 millions de barils par jour.
– Un risque déjà pris en compte –
« On a vraiment l’impression que les marchés réagissent de moins en moins à l’actualité », observe Mme Ozkardeskaya, pour qui « ce manque de réaction est fascinant. »
Il faut dire que le risque géopolitique, après le déclenchement mi-juin de la guerre entre l’Iran et Israël, a déjà été largement intégré dans les prix avec les craintes de frappes américaines sur le territoire iranien, qui ont finalement eu lieu dimanche.
Au plus fort du pic atteint dans la nuit de dimanche à lundi, le Brent a été jusqu’à 15% plus cher qu’avant les hostilités en Iran.
« Les prix du pétrole prennent déjà en compte une prime de risque d’environ 10 dollars le baril à l’heure actuelle », a expliqué à l’AFP, Giovanni Staunovo, analyste chez UBS.
– Des alternatives –
Une éventuelle hausse de prix finirait par s’atténuer avec la « libération des réserves stratégiques, en particulier aux États-Unis et en Chine », remarque Ole Hansen, analyste de Saxo Bank.
Il note aussi qu' »une réorientation d’une partie des exportations de pétrole brut de l’Arabie saoudite et des Emirats arabes unis » pourrait avoir lieu « via des pipelines vers des installations situées à l’extérieur du détroit ».
Une prévision cependant tempéré par Ole Hvalbye, pour qui il n’existe pas « d’alternative immédiate » à Ormuz, sinon « un oléoduc allant du Qatar vers l’ouest, mais avec une moindre capacité ».
En outre, signale Stephen Innes, analyste chez SPI AM, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole et ses alliés (Opep+) possède en outre une capacité inexploitée d’environ 5,2 millions de barils par jour, en particulier en Arabie saoudite.
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