A bord de l’Ocean Viking, le soulagement mais pas la fin des incertitudes

Ils étaient partis mardi soir de Tripoli, les plus jeunes et les plus vaillants à cheval sur les boudins du canot pneumatique gris, les femmes, les enfants et les plus fatigués assis au fond, sous la menace des vapeurs et des brûlures d’essence.

Ils avaient appelé à l’aide dans la nuit de jeudi à vendredi via un numéro de téléphone d’urgence géré par une association européenne, Watch the Med.

Mais SOS Méditerranée a eu beau envoyer ses canots rapides patrouiller une mer de vinyle noir avec de puissants projecteurs, l’équipe était rentrée bredouille.

Vendredi matin, c’est un avion patrouillant dans le cadre de l’opération européenne Sophia qui a repéré le canot, permettant à l’Ocean Viking de le trouver en moins d’une heure.

« On a payé 350.000 francs CFA (environ 530 euros) aux passeurs », confie un Sénégalais qui était venu à Tripoli tenter de gagner un peu d’argent mais y a surtout subi la violence. « On était battu tout le temps, jour et nuit ».

Sur le pont du navire affrété par SOS Méditerranée et Médecins sans frontières (MSF), « c’est encore top tôt pour évoquer avec eux les abus », explique Stéphanie, l’infirmière et chef de l’équipe médicale de MSF.

« J’ai repéré quelques victimes de violences en Libye et quelques blessures sur des hommes. Mais dans l’ensemble, ils ne vont pas trop mal ».

– « Dessine-moi une moto »-

En arrivant à bord, chacun a reçu un kit d’urgence préparé par MSF: un pantalon, une chemise, des chaussettes, une bouteille d’eau, des biscuits de rénutrition hyper-protéinés, du jus de fruit, une brosse à dent et une couverture.

Les cinq femmes du groupe et le benjamin, âgé d’un an, se sont rapidement allongés au frais dans l’abri aménagé pour eux, dans un conteneur blanc climatisé.

Les hommes ont pris possession du leur, aéré par des fenêtres donnant sur la mer et décoré d’animaux de la jungle.

Au milieu des adultes épuisés, trois gamins circulent et s’amusent à se cacher dans de grandes bassines noires rangées sur le pont. Pour eux, les péripéties du voyage et l’angoisse de la nuit qui tombe sur l’immensité marine semblent déjà loin.

« Dessine-moi une moto », intime Maï, 6 ans, à un jeune trentenaire qui s’exécute avec patience.

Ceux-là ont eu de la chance. Mais l’arrivée à bord ne signe que la fin du danger, pas celle des incertitudes. L’Italie a déjà annoncé que ses ports étaient fermés, et Malte, qui avait refusé au navire une escale de ravitaillement, ne semble pas plus accueillante.

Au large de l’île italienne de Lampedusa, le navire humanitaire espagnol Open Arms attend une solution pour 121 migrants secourus il y a plus d’une semaine.

Mais pour l’instant, l’Ocean Viking poursuit sa patrouille, à la recherche en particulier d’un canot parti en même temps que celui de ses nouveaux hôtes.

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