Aides Covid: l’ONG Bloom signale des fraudes de pêcheurs néerlandais au parquet européen

Paris, 27 juin 2022 (AFP) – L’ONG environnementale Bloom a transmis « un signalement » au parquet européen pour dénoncer des « fraudes massives aux subventions publiques » au bénéfice de pêcheurs industriels néerlandais censés être restés à quai pendant la crise du Covid-19, selon un communiqué publié lundi.

« Plus de 95% des navires néerlandais ayant reçu une subvention Covid ont triché à divers degrés et ont indûment perçu 5,8 millions d’euros entre le 15 mai 2020 et le 3 décembre 2020 », affirme l’association, qui a enquêté avec le site d’informations Mediapart.

L’enquête n’accuse pas l’ensemble de ces bateaux d’être allés pêcher en mer, mais dans de nombreux cas d’avoir éteint un système de géolocalisation censé rester allumé.

Bloom demande « l’ouverture d’une enquête judiciaire » par l’organe européen de lutte contre les fraudes financières au sein de l’Union européenne, auquel elle a transmis les résultats des investigations.

« Des pêcheurs français nous ont alertés sur le fait que des pêcheurs néerlandais bénéficiaient d’arrêts temporaires alors qu’ils les voyaient en mer. Nous avons donc fait des recherches », a déclaré à l’AFP Frédéric Le Manach, directeur scientifique de Bloom.

Plusieurs pays européens ont accordé des aides à leurs filières pour permettre aux pêcheurs restés à quai de supporter le choc économique de la crise.

Aux Pays-Bas, le gouvernement a « exclu la petite pêche artisanale (navires de moins de 12 mètres) de son dispositif d’aides » et « a fermé les yeux sur les fraudes commises », dénonce Bloom, qui juge La Haye « complice ».

Parmi 254 navires étudiés sur 269 ayant reçu une subvention Covid, « seuls 12 navires ont parfaitement respecté la loi et ont donc dûment perçu ces subventions », selon l’association.

Afin de justifier leurs demandes de dédommagement, les pêcheurs devaient pouvoir prouver leurs périodes d’arrêts temporaires de sept jours consécutifs. Pour cela, ils avaient pour obligation réglementaire d’avoir leur système de surveillance par satellite (VMS) allumé pendant toute la période couverte par les arrêts temporaires.

– Géolocalisation et données de criées –

Les données VMS n’étant pas publiques, Bloom a utilisé un autre système de surveillance, le système de géolocalisation automatique (AIS, pour Automatic Identification System) – qui, lui aussi, doit être opérationnel à tout moment d’après le règlement de contrôle européen.

L’AIS n’étant obligatoire que pour les navires de plus de 15 mètres, l’ONG a pu suivre au total 254 bateaux, via la plateforme gratuite Global Fishing Watch.

L’ONG a recoupé les numéros d’immatriculation communautaire des 254 bateaux de plus de 15 mètres avec le registre de la flotte de l’UE, afin d’accéder à leurs caractéristiques (taille du navire, puissance motrice, engin de pêche).

Elle a ensuite analysé les données AIS de l’ensemble de ces bateaux ainsi que des « données de criées transmises par un lanceur d’alerte (…) montrant que certains navires avaient débarqué du poisson » pendant la période étudiée.

Plusieurs grandes catégories de navires sont apparues:

– ceux dont l’AIS était opérationnel à tout moment et qui ont respecté les règles: 12 navires

– ceux dont l’AIS était opérationnel à tout moment et qui n’ont pas respecté la règle des sept jours consécutifs d’arrêt: 38 navires

– ceux dont l’AIS n’était pas opérationnel à tout moment – suffisamment allumé pour vérifier le respect de la période de sept jours d’arrêt pour certains, et insuffisamment pour acquérir une certitude pour d’autres: 97 navires

– ceux dont l’AIS n’était pas opérationnel à tout moment et qui n’ont pas respecté les sept jours consécutifs d’arrêt: 107 navires

Bloom demande la condamnation des fraudes pour tous les navires n’ayant « pas respecté les périodes d’arrêt » et le remboursement des aides pour l’ensemble des navires n’ayant « pas respecté le cadre de la loi en éteignant leur AIS ».

« Depuis des années, le gouvernement néerlandais sert les intérêts de la pêche industrielle. Nous avons déjà bataillé pour obtenir l’interdiction de la pêche électrique (confirmée en 2021 par la justice européenne, ndlr), pratiquée aux Pays-Bas à titre expérimental et dévastatrice pour les mers », a déclaré Claire Nouvian, présidente de Bloom.

Lancé il y a un an, le parquet européen a permis la saisie de 259 millions d’euros et l’ouverture de plus de 900 enquêtes. Vingt-deux pays membres sur 27 – dont les Pays-Bas – participent à cet organe de coopération judiciaire.

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