« On est début juillet et déjà, on a ramassé presque 1.000 tonnes », soit l’équivalent des quantités relevées en une année il y a dix ans, se désole Serge Bigot maire de Grandcamp-Maisy, une des deux communes les plus touchées dans le Calvados.
Selon l’élu, qui fait remonter l’apparition du phénomène à 2004, et son accélération à 2008, Grandcamp se retrouve certaines années avec un mètre d’épaisseur d’algues par endroits et les odeurs d’oeufs pourris qui vont avec.
Alors il faut ramasser.
Avec 3.700 m3 environ l’an dernier, la commune normande est encore loin des 9.000 m3 de 2013 à Saint-Michel-en-grève (après 18.000 en 2012).
Ce village breton est habituellement l’un des plus touchés de sa région.
Un cheval y a succombé en 2009 après s’être enfoncé jusqu’à l’encolure dans un amas d’algues vertes en décomposition. La cour administrative d’appel de Nantes doit dire le 25 juillet si l’hydrogène sulfuré toxique dégagé par les algues en putréfaction est bien responsable de la mort de l’animal.
Si la Normandie n’en est pas là, le Centre d’étude et de valorisation des algues (Ceva) confirme y avoir observé, en avion, des « dépôts importants » et précoces dès mai, alors qu’il n’y avait encore rien ailleurs en France.
Sont surtout touchés l’ouest du Calvados (Grandcamp et autour) et des communes côtières de l’agglomération de Caen.
Au-delà, « depuis quelques années, les algues vertes sont de plus en plus nombreuses en Basse-Normandie, ainsi que sur les îles de Noirmoutier, Ré et Oléron », alors qu’elles auraient plutôt tendance à régresser en Bretagne, où elles commencèrent à proliférer il y a 40 ans, estime Sylvain Ballu du Ceva.
Le Centre d’études, basé en Bretagne, mais qui suit le phénomène au niveau national, vient même de placer la Normandie sous surveillance renforcée (avec cinq survols au lieu de trois par an).
– Danger de putréfaction –
Un constat de prolifération à « de nouvelles plages » souligné également, en janvier, par le commissariat au développement durable rattaché au ministère de l’Ecologie.
En 2012, les algues vertes ont recouvert 815 hectares de plages en Bretagne, 280 en Normandie, et 240 en Loire-atlantique jusqu’à Oléron. Néanmoins, hors Bretagne et Grandcamp, les communes sont peu nombreuses à effectuer un ramassage, faute d’équipement et de budget.
Si le danger de putréfaction existe en Normandie comme ailleurs, M. Ballu souligne toutefois qu’il faut beaucoup de gaz avant d’être intoxiqué. Et l’odeur est alors telle que l’idée ne viendrait à personne de poser sa serviette dans les environs.
En revanche, avant de pourrir l’algue n’est pas toxique. Elle est même comestible.
L’agence de l’eau Seine Normandie vient pour sa part de finaliser un document qui prévoit de demander aux usagers, (agriculteurs, collectivités) une baisse de 30% des apports en azote dans l’eau de mer d’ici fin 2018 sur le bassin de l’Orne. Cette orientation, une première dans la région, pourrait aboutir à un arrêté préfectoral fin 2015.
Car « la cause de ce phénomène breton qui commence à apparaître en Normandie c’est l’azote (issu essentiellement de l’élevage intensif, ndlr) qui y augmente actuellement », même si cette progression ralentit, explique à l’AFP André Berne, le directeur de l’Agence de l’eau.
« Il y a un décalage entre la Bretagne, qui a pollué plus tôt avec des quantités plus importantes, et la Normandie, où l’intensification agricole a été plus tardive et moindre qu’en Bretagne », poursuit M. Berne.
« Le bassin de l’Orne est à 30 milligrammes de nitrate (composés d’azote) par litre. Il faut qu’on baisse à 20 », souligne-t-il. En Bretagne, où des objectifs sont fixés depuis 2011, « il y a beaucoup de rivières où on a 10 mg de moins qu’il y a quelques années », assure M. Ballu.
La France est même sous la menace d’une sanction de la cour de justice européenne en raison de la pollution, encore trop élevée, de ses eaux par les nitrates.