Signée en juillet 2022 avec la Russie et l’Ukraine sous l’égide de la Turquie, pays facilitateur, et des Nations unies, l’Initiative sur les céréales en mer Noire vise à soulager les risques de famine dans le monde en garantissant malgré la guerre la mise sur le marché des productions agricoles ukrainiennes.
Q: Pourquoi et par qui l’accord est-il menacé ?
R: Le 4 juillet, la Russie a prévenu ne voir « aucune raison » de prolonger l’accord sur les exportations de céréales ukrainiennes en se plaignant d’entraves à ses propres livraisons de produits agricoles.
Moscou a régulièrement menacé au cours de l’année de se retirer en dénonçant les sanctions occidentales qui « bloquent les exportations agricoles russes ».
Mardi soir, la Russie a lancé une série d’attaques de drones contre un terminal céréalier de la région d’Odessa (sud de l’Ukraine), qui abrite trois ports clés pour l’exportation des céréales.
Q: Peut-il encore être sauvé ?
R: Le président turc Recep Tayyip Erdogan, personnellement impliqué l’an dernier dans la négociation de l’accord, dont il est un des garants, assure que les négociations pour sa prolongation « se poursuivent ».
Le président ukrainien Volodymyr « Zelensky le souhaite et (le président russe Vladimir) Poutine a des suggestions. Nous travaillons à une solution qui prendrait ces propositions en compte », a affirmé M. Erdogan mercredi.
Jeudi, Vladimir Poutine a cependant affirmé que « pas une seule » des demandes russes n’avait été prise en compte à ce stade. « Nous allons réfléchir à ce que nous allons faire, nous avons encore quelques jours pour cela », a-t-il ajouté.
Le Secrétaire général de l’Onu est également à la manoeuvre. Selon son porte-parole, Antonio Guterres souhaite lever les obstacles à l’exportation d’engrais russes – l’autre volet de l’accord de juillet 2022 dont M. Poutine dénonce le non-respect – en « éliminant les entraves aux transactions financières de la banque agricole de Russie ».
M. Guterres a adressé mardi une lettre en ce sens au chef du Kremlin, et cet accord était au centre d’une rencontre ONU-UE jeudi et ce vendredi près de Bruxelles.
Q: L’accord est-il efficace ?
R: En garantissant la sécurité du trafic des cargos en mer Noire au départ des ports d’Ukraine, l’accord qui impose une inspection des navires par des représentants des quatre signataires, a permis d’exporter près de 33 millions de tonnes depuis son entrée en vigueur le 1er août 2022, en majorité blé et maïs.
Destiné à éviter la flambée des prix et les famines dans les pays les plus vulnérables grâce à la mise sur le marché des productions ukrainiennes, il a bénéficié à 45 pays importateurs, en premier lieu la Chine (7,75 Mt), devant l’Espagne (5,6 Mt) et la Turquie (3,1 Mt), selon le Centre de coordination conjointe qui réunit les quatre signataires, basé à Istanbul.
Le Programme alimentaire mondial a aussi pu fournir 725.000 tonnes de blé à des pays en crise comme l’Afghanistan, l’Éthiopie, le Kenya, la Somalie, le Soudan et le Yémen.
Priver le monde des céréales ukrainiennes « affecterait la vie de millions de gens parmi les plus pauvres », insiste l’Onu.
Q: Et aujourd’hui ?
R: Depuis le début du mois de juillet les mouvements de bateaux s’effectuent au compte-gouttes. Entre le 2 et le 13 juillet, sept cargos ont quitté les ports ukrainiens d’Odessa et Tchornomorsk après inspection, selon les données officielles du Centre de coordination conjointe.
A titre de comparaison, il s’agit du trafic quotidien moyen qui était enregistré au mois d’octobre, quand plus de 130 cargos attendaient à l’entrée du Bosphore d’être inspectés pour continuer leur route vers la mer Noire.
Kiev a régulièrement accusé les inspecteurs russes de ralentir volontairement les procédures.