Charente-Maritime: les oursins de l’Ile-de-Ré au secours des océans

Installé à La Flotte-en-Ré depuis 2006, Yvan Le Gall est le seul capable de maîtriser la production de bout en bout, depuis l’écloserie jusqu’à l’animal adulte, commercialisable. Une seconde écloserie a failli voir le jour dans le Var, en collaboration avec l’Institut océanographique Paul Ricard, mais le projet a fait long feu, en 2013.

« Je produis environ six tonnes d’oursins par an, explique Yvan Le Gall, fondateur de la société L’oursine de Ré. Cinq tonnes sont transformées en terrines de corail et une tonne est vendue vivante ».

Actuellement, pour chaque nouvelle génération, l’échiniculteur (éleveur d’oursins) parvient à faire naître 60 millions de larves à partir de seulement quatre femelles, capables de pondre 15 millions d’oeufs chacune.

« J’atteins presque 100% de fécondation. Pourtant, jusqu’à présent, j’en jette l’écrasante majorité pour ne conserver qu’environ 100.000 oeufs, car je suis limité par la taille de mes infrastructures », déplore l’éleveur, âgé de 42 ans.

Cela devrait toutefois rapidement changer. Après avoir racheté un blockhaus situé derrière son exploitation, l’échiniculteur finit de l’aménager en écloserie. Cela lui permettrait de multiplier par vingt le nombre de larves. Pas pour augmenter le nombre de terrines qu’il vend aux particuliers, aux restaurants et dans les épiceries fines, mais pour assurer la production de naissains.

« Cette activité était prévue depuis le début mais la tempête Xynthia, qui a ravagé mon installation, a tout retardé. J’ai néanmoins déjà fourni 10.000 juvéniles pour repeupler le Golfe du Morbihan en 2011 », souligne M. Le Gall.

« Il existe un projet similaire dans les Bouches-du-Rhône mais il semble arrêté pour le moment. Je suis également en pourparlers pour une réintroduction en Corse et peut-être aux Antilles, où les oursins blancs ont quasiment disparu », poursuit-il.

– Algues et température bien dosées –

A sa naissance, une larve d’oursin mesure un demi-millimètre et nage en pleine eau – « phase pélagique » – avant, au bout de trente jours, de se poser au fond pour commencer sa vie « benthique ». Trois mois plus tard, l’animal mesure environ 1,5 millimètre et la commercialisation du naissain peut commencer.

Le père d’Yvan Le Gall, Pierre, était professeur de biologie marine et chercheur. C’est lui qui a mis au point dans les années 1980 la technique d’élevage de l’oursin en milieu clos, bassin ou aquarium. Une technique qui demeure encore aujourd’hui un secret bien gardé. Car s’il fait volontiers visiter les installations de L’oursine de Ré, Yvan Le Gall refuse obstinément d’ouvrir les portes de son laboratoire.

L’éleveur accepte tout juste de révéler que sa technique repose sur le juste équilibre de la qualité et de la température de l’eau, ainsi qu’un dosage parfait dans les algues servant à l’alimentation des oursins. Six sortes d’algues différentes qu’Yvan Le Gall produit ou récolte lui-même chaque semaine, notamment des laminaires, dont il ramasse entre 30 et 35 tonnes par an sur les plages de l’île de Ré.

L’échiniculteur a mis son savoir-faire au service des chercheurs et universitaires de Bretagne et de La Rochelle, pour lesquels les larves d’oursin constituent un excellent bio-indicateur de la qualité des eaux.

« L’oursin adulte supporte la pollution mais pas les larves. Les animaux pourraient servir à mesurer et étudier les effets de l’acidification des océans », provoquée notamment par la hausse de la concentration en CO2 dans l’atmosphère, indique-t-il.

Yvan Le Gall s’occupe aussi d’un autre projet, encore en gestation. « Une demande de naissains en très grand volume m’est parvenue d’Espagne. Les Espagnols sont à la fois les plus grands pêcheurs et les premiers consommateurs du monde, et les professionnels souhaitent repeupler leurs côtes atlantiques. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai racheté le blockhaus », explique-t-il.

L’écloserie devrait commencer à tourner à plein régime dès cet été.

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