Chlordécone: l’Etat doit indemniser les victimes démontrant un préjudice d’anxiété

Paris, 11 mars 2025 (AFP) – L’Etat doit indemniser les victimes démontrant un préjudice moral d’anxiété pour avoir été exposées au chlordécone, un pesticide utilisé en Guadeloupe et Martinique ayant massivement pollué les sols et l’eau, a tranché mardi la cour administrative d’appel de Paris.

Saisie par près de 1.300 plaignants, la cour a estimé dans un arrêt que « l’Etat a commis des fautes en accordant des autorisations de vente d’insecticides à base de chlordécone, en permettant leur usage prolongé, en manquant de diligence pour évaluer la pollution liée à cet usage, y mettre fin, en mesurer les conséquences et informer la population touchée ».

En conséquence, il « doit réparer, lorsqu’il est démontré, le préjudice moral d’anxiété des personnes durablement exposées à cette pollution ».

Le chlordécone, un pesticide interdit en France en 1990 mais qui a continué à être autorisé dans les bananeraies des deux îles par dérogation ministérielle jusqu’en 1993, a provoqué une pollution importante et durable des sols, des nappes phréatiques et des milieux marins.

Plus de 90% de la population adulte en Guadeloupe et Martinique est contaminée par le chlordécone, selon Santé publique France, et les hommes présentent un taux d’incidence du cancer de la prostate parmi les plus élevés au monde.

Le tribunal administratif de Paris avait déjà reconnu, en 2022, les « négligences fautives » des autorités, mais avait rejeté les demandes d’indemnisation pour préjudice d’anxiété, faute d’éléments suffisamment circonstanciés à ses yeux.

La cour administrative d’appel est allée plus loin, estimant que « pour une dizaine de personnes », les éléments apportés (analyses sanguines et études environnementales) permettaient d’établir une « exposition effective à la pollution des sols, des eaux ou de la chaîne alimentaire » et un risque élevé de développer une pathologie grave.

« Dans ces seuls cas, elle condamne l’Etat à réparer le préjudice d’anxiété qui résulte de la conscience de courir un risque élevé de développer une pathologie grave », dit la cour, qui ajoute que « la seule invocation d’une exposition au chlordécone » ne permet pas de justifier un tel préjudice.

Me Christophe Lèguevaques, un avocat de parties civiles, a salué une « victoire » qui « crée un précédent », mais a regretté la décision de la cour de n’indemniser qu’une dizaine de personnes sur les 1.286 plaignants.

« De ce point de vue, cette décision est décevante. En discriminant les hommes et les femmes, les adultes et les enfants, la Cour ne tient pas compte des effets avérés du chlordécone sur la santé publique », a-t-il relevé dans un communiqué.

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