Cyclones, montée des eaux: les Etats insulaires à la merci du réchauffement

« Ces territoires font partie des endroits les plus vulnérables » face au rythme inédit du changement climatique, rappelle la climatologue Valérie Masson-Delmotte au lendemain du cyclone dévastateur au Vanuatu.

« En raison de l’élévation du niveau des mers attendue pendant toute la durée du XXIe siècle et au-delà, les systèmes côtiers et les zones de faible altitude seront de plus en plus exposés à des impacts négatifs comme la submersion, l’inondation et l’érosion des côtes », estime le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), référence au niveau mondial, dans son dernier rapport.

Selon la géographe Virginie Duvat-Magnan, qui a participé aux travaux du Giec, environ 4 millions de personnes vivent aujourd’hui dans une île corallienne de moins de 1 km2 et d’au mieux trois mètres d’altitude. Et certaines de ces îles culminent à moins d’un mètre.

Les archipels des Kiribati et de Tuvalu dans le Pacifique ou, les Maldives dans l’océan Indien sont ainsi particulièrement menacés par la submersion permanente de leurs terres.

Car, après une hausse moyenne de 20 cm au XXe siècle, les océans devraient encore s’élever de 26 à 86 cm à l’horizon 2100 par rapport à la moyenne 1986-2005, selon le Giec.

Au delà des inondations et de leur cortège de destructions, la montée des eaux aggrave l’érosion des littoraux, renforce la hauteur des vagues lors des cyclones et peut porter atteinte aux nappes phréatiques, l’eau de mer pénétrant davantage dans les terres.

Les îles, qui dépendent souvent de la pêche, sont également confrontées à l’acidification des océans, ce qui diminue les ressources marines, ajoute Valérie-Masson-Delmotte.

– « La conscience des négociations » –

A quelques mois de la conférence internationale de Paris qui doit aboutir à un accord mondial sur le climat, les états insulaires redoublent donc d’efforts pour que la communauté internationale dépasse les déclarations d’intention et agisse de manière concertée et ambitieuse.

« Nous ne pouvons accepter que le changement climatique soit traité comme quelque chose d’inéluctable », déclarait ainsi James Michel, le président des Seychelles, peu avant la conférence annuelle de l’Onu sur le climat en décembre à Lima. Les états insulaires sont « la conscience des négociations ».

Pour compenser leur faible poids démographique et économique et peser dans les négociations internationales sur le climat, une quarantaine de pays sont réunis depuis 1990 dans l’Alliance des petits états insulaires (Aosis, Alliance of small islands states).

Seychelles, Maldives, Kiribati, Tuvalu, Tonga, Trinidad-et-Tobago, Sao Tomé-et-Principe, Comores, Bahamas, Barbade, Fidji, ainsi que les îles Marshall et Palaos ou la Micronésie, etc, en font partie.

Selon Valérie Masson-Delmotte, « les îles jouent un rôle très particulier dans les négociations internationales », où les décisions sont prises par consensus, et elles « plaident pour des objectifs plus contraignants ».

Elles défendent par exemple encore l’objectif d’une hausse des températures limitée à 1,5°C par rapport à l’ère pré-industrielle. « La science a montré que cet objectif pouvait être atteint », expliquait à l’AFP Ahmed Sareer, ambassadeur des Maldives, lors des dernières discussions en février à Genève sur le futur accord mondial sur le climat. « Pour les petites îles, dépasser le 1,5°C serait dévastateur ».

La communauté internationale s’est fixé comme objectif de limiter à 2 degrés la hausse du thermomètre mondial, qui a déjà pris 0,8°C depuis l’ère pré-industrielle. Mais le niveau actuel des émissions de gaz à effet de serre met la planète sur une trajectoire de +4 à 5°C à la fin du siècle.

Les Etats insulaires bataillent aussi sans relâche pour que les promesses d’aide face au changement climatique soient tenues car leurs besoins sont immenses. « Nous sommes bien loin des 100 millions de dollars d’aide annuelle d’ici 2020 », déplore Ahmed Sareer, à l’approche du rendez-vous de Paris.

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