La levée du secret frappant les correspondances de l’administration coloniale atteste de l’ampleur de la purge baptisée “Opération Héritage”, destinée à se débarrasser des rapports compromettants des services secrets ou de la police notamment. Y compris ceux relatifs à des épisodes tels que la répression sanglante de la révolte des Mau-Mau au Kenya, dans les années 1952-60.
Le Times, qui a épluché les archives, relève que les consignes officielles en amont de l’indépendance du Kenya en 1962 visaient quatre types de documents: “ceux susceptibles d’embarrasser le gouvernement de sa Majesté et d’autres gouvernements”; “ceux susceptibles d’embarrasser des membres de la police, des forces armées, des fonctionnaires et d’autres personnes, dont des informateurs”; “ceux qui pourraient incriminer les services secrets”; “ceux qui pourraient être utilisés de façon contraire à l’éthique par des ministres de gouvernements assurant la succession”.
Certains documents ont été rapatriés au Royaume-Uni à bord d’avions de la Royal Air Force ou de bâtiments de la Royal Navy pour y être détruits. Mais beaucoup ont été traités sur place, brûlés, déchiquetés, ou coulés en mer.
C’est ainsi que la cargaison de cinq camions bourrés de papiers a été incinérée dans la chaudière du “SMS Splendid” ancré à Singapour.
Quelques rares archives ont cependant échappé au grand nettoyage.
La découverte du contenu de caisses oubliées par le Foreign Office a ainsi contribué en juin dernier à contraindre Londres d’indemniser plusieurs milliers de Kényans, près de soixante ans après la répression des Mau Mau, qui constitue une page particulièrement sombre de l’histoire coloniale britannique.
“Le gouvernement reconnaît que des Kényans ont été soumis à des tortures et à d’autres formes de mauvais traitements lorsqu’ils étaient entre les mains de l’administration coloniale”, a déclaré à cette occasion le chef de la diplomatie britannique, William Hague.
L’un des avocats des plaignants, Martyn Day, avait alors estimé que le jugement pourrait conduire d’autres ressortissants d’anciennes colonies britanniques à envisager des recours, au Yémen, en Palestine, en Malaisie et à Chypre notamment.