Immigration: l’UE connaît les solutions, mais manque de volonté

« C’est une honte pour l’Europe », a déclaré lundi à l’AFP un haut responsable européen, bouleversé par cette succession de tragédies. Le naufrage d’un chalutier au large de la Libye pourrait avoir fait plusieurs centaines de morts. Il survient quelques jours après deux autres drames la semaine dernière.

Les solutions sont sur la table des dirigeants européens depuis le naufrage qui avait fait 366 morts en octobre 2013 près de l’île italienne de Lampedusa: mettre en place des voies légales de migration, intervenir contre les trafiquants dans les pays de départ des migrants, donner de véritables moyens financiers à Frontex, l’agence européenne des frontières, changer les règles européennes pour la prise en charge des migrants et des réfugiés.

« Les récentes tragédies en Méditerranée démontrent l’urgence d’une responsabilité européenne partagée et de donner plus de moyens juridiques à l’Europe », a affirmé lundi Cecilia Malmström, ancienne commissaire européenne en charge de l’immigration, passée au Commerce.

Mais ces propositions ont jusqu’à présent toujours été rejetées. Les conclusions du sommet européen de décembre 2013 ont été lapidaires: « priorité doit être donnée à éviter les départs » et « solidarité appropriée » dans l’accueil des arrivants.

La prise en charge des migrants et des demandeurs d’asile est réglementée par les accords de Dublin II. Ils imposent au pays d’entrée de prendre en charge les arrivants, de traiter les demandes d’asile et d’assumer le renvoi des migrants dont la demande a été rejetée.

La Commission avait proposé de réviser ce système, mais 24 des 28 gouvernements avaient opposé un refus catégorique. Seules l’Italie, la Grèce, Chypre et Malte, les pays concernés, avaient soutenu cette demande. Les politiques européennes sont dictées par les mouvements populistes et xénophobes, avait alors déploré Mme Malmström.

– ‘Appel d’air’ –

La colère de l’opinion publique face à la litanie des naufrages pourrait aider son successeur, le Grec Dimitris Avramopoulos, à faire bouger les lignes. Il doit présenter en mai une stratégie pour les migrations dont il a déjà dévoilé les grandes lignes: plus de moyens pour Triton, l’opération de surveillance gérée par Frontex en Méditerranée, mise en place de « programmes européens d’installation » et de « conditions légales et sécurisées pour les personnes qui fuient les conflits ». Il affirme aussi que « quelque chose doit changer » dans Dublin II.

Les ministre de l’Intérieur de l’UE ont débattu de cette stratégie le 12 mars. Ils ont surtout exploré les moyens pour bloquer les départs des candidats à l’immigration. Une des idées est de financer des centres en Afrique pour traiter les demandes d’asile et tenter d’éviter que les candidats ne s’embarquent sur la Méditerrannée.

La majorité des dirigeants européens sont très clairs. Ils veulent éviter toute les initiatives pouvant représenter « un appel d’air ». L’Allemagne avait ainsi dénoncé l’opération militaire Mare Nostrum mise en oeuvre par l’Italie après la tragédie de Lampedusa, car les navires italiens croisaient trop près des côtes de la Libye.

L’opération Triton se limite à patrouiller dans les eaux italiennes, car elles sont la frontière extérieure de l’UE. Mais le droit de la mer s’impose, et les navires et avions des pays de l’UE loués par Frontex se doivent d’intervenir dès qu’une embarcation de fortune est signalée. Une modification du mandat de Triton serait nécessaire pour renforcer la mission, mais personne n’a jusqu’à présent évoqué cette mesure.

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