Japon: à l’Institut de recherche sur les cétacés, on n’aime pas les curieux

L’Institut ICR (Institute of Cetacean Research), au coeur de la controverse sur la « pêche scientifique » de baleines menée par le Japon, est installé à Tokyo au 5è étage d’un immeuble de briques blanches dans le quartier du plus grand marché aux poissons du monde: Tsukiji.

Au pied du bâtiment, une sorte de quai utilisé pour décharger des camions.

Après de vains coups de téléphone, emails et fax sans réponses, un journaliste de l’AFP s’est rendu à l’ICR. Dans l’entrée deux hommes surveillent les allées et venues.

« Que faites-vous là? Vous n’avez rien à faire ici, vous devez partir », lance l’un d’eux en anglais.

Le journaliste insiste, rappelant toutes les demandes d’interviews restées sans réponse. La non-réponse, lui explique-t-on, « ça veut dire non! Ca veut dire que nous ne sommes pas intéressés ». Fermez le ban!

C’est à l’ICR qu’aboutissent théoriquement les baleines pêchées pour y être étudiées.

La Commission baleinière internationale (CBI) interdit toute pêche commerciale mais depuis des années le Japon continue à en harponner en vertu d’une tolérance de la CBI pour la chasse « scientifique », bien que la chair des animaux finisse dans des poissonneries et des restaurants.

« Tradition historique »

C’est clair: à l’ICR, on n’aime pas trop les journalistes occidentaux comme en atteste le site internet de l’Institut, orné d’un logo représentant la queue d’une baleine en train de plonger et un aileron: les « anti-pêche » (à la baleine) ne représentent pas « l’opinion mondiale ».

Les campagnes contre cette pêche « sont un phénomène essentiellement répandu dans les pays développés occidentaux amplifié par des ONG qui les financent et les médias », peut-on lire.

Pour l’Institut, les actions menées par Greenpeace ou Sea Shepherd s’apparentent ni plus ni moins à du « terrorisme », indique encore le site qui méticuleusement tient à jour la liste des « actions de harcèlement et de sabotage ».

« Le but des recherches du Japon est scientifique, car c’est grâce à la science que, lorsque la pêche commerciale sera de nouveau autorisée, elle sera respectueuse du développement durable », affirme l’Institut.

Une chose est sûre: le Japon n’entend pas arrêter cette chasse « qui fait partie de notre culture », déclarait fin février à l’AFP le ministre de l’Agriculture et des Pêches.

« C’est une longue tradition historique. Le Japon est une île, alors prendre de bonnes protéines de l’océan est important pour l’alimentation. C’est très important pour la sécurité alimentaire », plaidait Yoshimasa Hayashi.

« Nous n’avons jamais dit que tout le monde devait manger de la baleine. Nous avons cette culture et vous ne l’avez pas », poursuivait le ministre qui dénonce des « attaques culturelles, des préjugés sur la culture japonaise ».

« Je ne vois pas ce qu’il y a de scientifique à harponner une baleine, la découper en morceaux et la mettre dans une assiette », avait rétorqué le ministre australien de l’Environnement, Tony Burke.

Le Japon affirme quant à lui qu’il est contraint de tuer les cétacés pour les étudier, « afin de recueillir des informations impossibles à obtenir par des moyens non létaux ».

« Une grande proportion des baleines sont tuées instantanément avec un harpon à charge explosive », assure-t-il encore.

Controverse insoluble

Evidemment à Greenpeace, on a l’ironie mordante: « si cet Institut n’a pas réussi à récolter des données suffisantes après avoir tué des milliers de baleines, c’est que c’est un échec de la science! », dit Junichi Sato, le directeur de Greenpeace Japon.

« En tout cas ils n’ont plus aucun argument valable pour continuer », juge-t-il.

En février, une autre ONG « anti-pêche » avait affirmé que le programme baleinier japonais était largement subventionné par l’Etat, à hauteur de 10 millions de dollars par an, preuve que ce secteur est « mourant ».

Pour le Fonds international pour la protection des animaux (Ifaw), le produit de la vente de viande de baleine est loin de couvrir les frais d’entretien de la flotte baleinière et la campagne de pêche annuelle en Antarctique.

Une campagne qui, cette année encore, a été fortement perturbée par les navires de l’ONG Sea Shepherd de novembre à mars.

Le Japon s’était fixé cette année un quota de plus de 1.000 petits rorquals (ou baleine de Minke) ou rorquals communs. Sea Shepherd affirme que seulement 75 ont été harponnés.

« Les baleiniers japonais n’ont jamais été aussi agressifs, irresponsables et violents », avait déclaré à son retour à Melbourne Peter Hammarstedt, le capitaine d’un des navires « harceleurs » de Sea Shepherd.

Dans les gargotes du quartier de Tsukiji, ce n’est pas qu’on soit vraiment fan de la viande de baleine, mais on reste attachée à une tradition, même en voie de disparition.

« Ca fait partie de la culture alimentaire du Japon. Ceux qui veulent manger de la baleine doivent en avoir le droit, et rien ne justifie les actions agressives des anti-pêche », dit Miuka Arita, une femme de 45 ans.

Tamie Sawai, une mamie de 83 ans, n’aime pas non plus les « dangereuses actions » des écologistes, mais elle n’a pas pour autant « la nostalgie de la viande de baleine ».

« En fait, ça ne me manque pas du tout », dit-elle avant de disparaître dans une petite rue remplie d’étal de poissons.

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