Le berlingot de mer: un petit coquillage qui peut rapporter gros

« Le Berlingot de la mer ou crépidule est un cadeau de la mer, car contrairement à beaucoup d’espèces marines, c’est une ressource disponible en abondance à l’état naturel et elle reste encore quasi inexploitée », explique Pierrick Clément, directeur de la société Britexa implantée dans le Finistère. Cet illustre inconnu, capable d’accroître sa colonie de 10% par an, mérite bien son nom scientifique un peu coquin de « crepidula fornicata ».

Formidable compétiteur sexuel, le berlingot a une capacité de reproduction qui le fait se compter par millions de tonnes en Bretagne. Il envahit progressivement les côtes de la Manche et de l’Atlantique.

Habitués à squatter des fonds marins peu profonds, ces coquillages délogent les gisements d’huîtres et de Saint-Jacques, au grand dam des pêcheurs qui se désolent de voir leur filets remplis de ces « parasites ».

Parasite: un mot que ne peut entendre M. Clément, pour qui tout est bon dans ce coquillage, au point, pour le sortir de l’anonymat, de le faire concourir au Seafood 2013, le salon international de la pêche et des produits de la mer qui se tenait fin avril à Bruxelles.

La coquille d’abord: composée à 95% de carbonate de calcium elle peut, après broyage, remplacer avantageusement le maërl (corail breton) dont l’arrêt de l’usage est programmé en 2013, et être utilisée comme engrais ou incorporée dans la nourriture des bovins et des volailles.

Sa chair ensuite: consommée crue, elle offre un goût iodé et « très marin » ; légèrement cuite, elle dégage une subtile saveur de noisette ou de champignon, un potentiel gustatif qui a déjà séduit les grands noms de la gastronomie bretonne et nationale.

L’appel de l’Asie

Si le berlingot de mer est déjà apprécié des gourmets et des gastronomes, la société Britexa vise à séduire maintenant le grand public de France et d’ailleurs.

Cela suppose le passage à une exploitation industrielle du coquillage. Trois années de recherche ont été nécessaires pour que la PME bretonne parvienne à concevoir un système de décorticage à froid qui n’altère pas la chair, explique M. Clément qui a investi 1,5 million d’euros dans cette aventure.

« L’usine pilote installée à Cancale (Ille-et-Vilaine) est capable de traiter 10 tonnes de coquillages par jour. L’objectif de 20 tonnes est en vue, mais pas encore atteint ».

Pour l’instant, les berlingots de mer sont commercialisés uniquement en direction des restaurants et quelques tonnes partent vers l’Angleterre, l’Allemagne et de l’Espagne.

« Nous ne sommes pas prêts pour les grandes et moyennes surfaces, mais c’est notre prochaine cible », confie-t-il, tout en affirmant être en contact avec des grands noms de l’agroalimentaire.

Avec un prix compris entre 2 et 3 euros du kilo, le berlingot de mer pourrait rapidement trouver sa place dans les rayons des supermarchés tel quel ou transformé.

Hors de France, la PME bretonne pense avoir trouvé en Asie le débouché économique à la hauteur de ses ambitions: le berlingot de mer a séduit les Japonais pour son « taste of délicious », cette cinquième saveur chère à leur palais qui, à côté des quatre fondamentales – sucré, salé, acide et amer – n’est autre que l' »umami », le goût du « délicieux ».

La société Britexa emploie huit salariés et génère un chiffre d’affaires de 7 millions d’euros. Le comité conchycole de Bretagne nord a fait l’acquisition en 2012 du premier navire crépidulier au monde.

Cette société de négoce née en 1995 et spécialiste des niches commerciales s’adonne en outre à l’exportation de produits halal haut de gamme et de pattes et ailes de canard vers le marché asiatique.

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