« La holding Bolloré SA, qui n’est en rien concernée par les faits objets de l’investigation, a décidé d’exercer un recours afin d’être mise hors de cause », s’est-elle défendue dans un communiqué annonçant l’information.
Le 25 avril, l’homme d’affaires de 66 ans avait été mis en examen dans ce dossier, après deux jours de garde à vue dans les locaux de la police anticorruption, une procédure rarissime pour un chef d’entreprise aussi influent. Deux de ses proches collaborateurs avaient été mis en examen le même jour.
Mercredi, les juges d’instruction Serge Tournaire et Aude Buresi ont procédé à la mise en examen attendue de la holding, pour les mêmes qualifications que son patron -« corruption d’agent étranger » ainsi que complicité d' »abus de confiance » et de « faux et usage de faux » – selon Me Olivier Baratelli, l’avocat du groupe et de M. Bolloré joint par l’AFP.
« C’est la suite logique, sans aucun élément nouveau à la procédure depuis le mois d’avril, afin que la société ait accès au dossier », a-t-il déclaré.
Les juges d’instructions du pôle financier du tribunal de Paris soupçonnent le groupe Bolloré d’avoir utilisé les activités de conseil politique de sa filiale Havas afin de décrocher la gestion des ports de Lomé, au Togo, et de Conakry, en Guinée, via une autre de ses filiales, Bolloré Africa Logistics, anciennement appelée SDV.
SDV a obtenu la gestion du port de Conakry quelques mois après l’élection d’Alpha Condé fin 2010, et avait remporté la concession à Lomé peu avant la réélection en 2010 au Togo de Faure Gnassingbé, qui étaient alors tous deux conseillés par Havas.
– « Je privilégie les amis » –
S’appuyant en particulier sur les documents retrouvés lors des perquisitions de 2016 au siège du groupe Bolloré, les magistrats soupçonnent Havas d’avoir sous-facturé ses services rendus aux deux candidats victorieux pour obtenir, en contrepartie, la gestion des concessions portuaires.
A chaque fois, la désignation de SDV a entraîné une bataille judiciaire avec les anciens gestionnaires. S’agissant de Conakry, le français Necotrans avait, dès mars 2011, déposé une plainte pour « corruption internationale », rapidement classée sans suite par le parquet de Paris.
Bolloré avait fini par être condamné en 2013 à Nanterre à verser plus de 2 millions d’euros à Necotrans. Le groupe avait toutefois été placé en redressement judiciaire en juin 2017 avant d’être racheté par Bolloré.
Les soupçons sur les activités africaines de Vincent Bolloré ont par ailleurs été nourris par les plaintes d’un de ses anciens associés, le Franco-Espagnol Jacques Dupuydauby, qu’il avait évincé du port de Lomé en 2009 et attaqué en justice avec succès.
Dans cette affaire, le directeur général de Bolloré, Gilles Alix, est mis en examen pour les mêmes qualifications que son patron et que le groupe. Jean-Philippe Dorent, responsable du pôle international d’Havas est lui poursuivi pour « abus de confiance » et « faux et usage de faux ».
Le groupe Bolloré avait déjà « formellement » contesté avoir commis des irrégularités en Afrique où il gère 16 terminaux portuaires.
« Les concessions obtenues au Togo l’ont été en 2001, bien avant l’entrée du groupe dans Havas, et en Guinée, en 2011, à la suite de la défaillance du n°1 (le groupe étant arrivé en seconde position lors de cet appel d’offres), défaillance constatée avant l’élection du président », avait fait valoir le groupe lors de la garde à vue de ses dirigeants au printemps.
« Bolloré remplissait toutes les conditions d’appel d’offres. C’est un ami, je privilégie les amis. Et alors ? », s’était justifié pour sa part en 2016 le président Alpha Condé auprès du journal Le Monde.
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