Le long chantier d’une « cathédrale des mers » à Gravelines

A fond de cale, le visiteur se tient « à six mètres du niveau de la mer ». L’installation depuis 2005 des structures les plus spectaculaires — étrave, étambot, arcasse et ses allonges — lui permet de se faire une idée de l’ampleur du projet, ouvert au public. Christian Cardin a lui une idée bien précise depuis plus de 20 ans.

Quand il découvre au large de Saint-Vaast-la-Hougue (Manche) six épaves de la flotte de l’Amiral Tourville dans les années 1980, Christian Cardin, géologue de formation, ne fait pas que plonger dans les eaux de la Manche. Il s’embarque tête la première pour un long voyage, et l’accomplissement d’un doux rêve: la construction à l’ancienne d’un vaisseau de premier rang du règne de Louis XIV.

En se basant sur l’Album de Colbert, un document anonyme des années 1670 commandé et financé par le ministre de la Marine pour restructurer la flotte de guerre du roi, et en faisant appel à un historien, Christian Cardin se lance.

Il décide d’installer son chantier à Gravelines, à quelques encablures du port de Dunkerque, l’un des cinq anciens ports royaux. Il s’entoure de bénévoles. Problème: les plans et données collectés sont largement insuffisants, il va falloir improviser.

« Il faut en permanence se mettre dans la tête d’un charpentier de Marine du 17e siècle pour savoir comment il aurait résolu le problème avec les moyens de l’époque », raconte Christian Cardin.

A la forge, créée de toutes pièces pour se rapprocher au plus près du travail du 17e siècle, Claude Vasseur, chaudronnier à la retraite, et son ami Michel, travaillent à la fabrication des clous.

« On travaille comme à l’époque, avec la masse et le marteau », sourit-il, un peu fatigué par son après-midi passée à taper sur une enclume. Il a fabriqué d’énormes clous, de plusieurs dizaines de centimètres de long et de plusieurs centimètre de diamètre, qui serviront pour poser les varangues.

-3.600 chênes nécessaires-

« On trouve pas ça chez Leroy Merlin ou chez +Casto+! », plaisante-t-il. Il sait d’ores et déjà qu’il devra encore plancher sur des clous de 1,5 à 2 mètres.

Le bois, comme à l’époque, vient des forêts française: quelque 3.600 chênes seront nécessaires à la construction du navire. L’association Tourville (http://www.tourville.asso.fr) a un partenariat avec l’ONF. Les troncs viennent principalement des forêts de Compiègne et de Saint-Gobain en Picardie.

Parfois, la technologie vient malgré tout simplifier la vie sur ce chantier titanesque qui se réduit à quelques dizaines de travailleurs — sous Louis XIV ils étaient un millier pour finir la construction en trois ou quatre ans. Dernière addition, un logiciel 3D qui permet de convertir immédiatement tous les plans maquettisés au 1/15 par les concepteurs du projet.

« Peut-être que je n’en verrai pas le bout mais ce n’est pas l’important », confie Christian Cardin. Au rythme actuel du chantier, il pourrait se terminer… en 2030.

Il a fait de son rêve un projet non seulement historique, mais aussi économique et social. Sur le chantier, un mardi de vacances d’été, un jeune en insertion, un emploi d’avenir et un troisième homme préparant un bac professionnel en charpente marine poncent, mesurent, découpent.

Christian Cardin montre le champ adjacent, légèrement en pente descendante. Il y a déjà imaginé le bassin qui accueillera le Jean-Bart, les spectacles sons et lumières, les abordages de corsaires qui y attireront les touristes.

Mais ces projets pour l’instant, n’en sont qu’à ce stade. Sans soutien, ils restent une utopie.

« Aujourd’hui mes seules limites sont financières », regrette-t-il. Avec le succès rencontré par L’Hermione, peut-être que certains investisseurs se prendront à rêver avec lui.

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