Le poisson de Dombes, filière méconnue, veut faire mordre à l’hameçon

Situé à une demi-heure de Lyon, le plateau de la Dombes (Ain) jouxte la Bresse et Le Bugey, des territoires de gastronomie. Les étangs y furent aménagés dès le XIIIe siècle et la pisciculture y a été créée principalement par les moines.

Ceinturés d’arbres, de plantes variées et habités par une importante faune et flore, ces étendues calmes abritent des poissons d’élevage d’eau douce, dont 70% de carpes, 25% de gardons, mais aussi brochets, sandres, tanches…

Mais ici, point d’élevage intensif comme il en existe dans les pays nordiques pour le saumon. La Dombes, première région productrice de poissons d’étang en France, privilégie le qualitatif.

« On est plus dans la cueillette que dans l’élevage! », souligne Roland de Barbentane, président de l’Association de promotion du poisson des étangs de la Dombes (Apped).

Alors que, dans l’élevage intensif, les poissons sont élevés dans une densité allant de 50 à 80 tonnes par hectare, « le poisson de la Dombes vit sur une densité de 3 à 400 kg par hectare, soit entre dix et vingt fois moins », que dans l’intensif, souligne-t-il.

« Le poisson a toute la place pour vivre, il se nourrit à 90% d’élément naturels fournis par l’étang », ajoute le président de l’Apped.

– Le cormoran, bête noire –

La filière fournit ainsi 1.000 tonnes de poisson par an, une goutte d’eau dans le monde piscicole. Pour se développer, elle a créé il y a trois-quatre ans la marque « Poissons de Dombes », pour assurer sa qualité et une traçabilité de l’étang à l’assiette, mesure rassurante pour le consommateur après le scandale de la viande de cheval dans les lasagnes.

Plusieurs maux viennent toutefois ralentir son développement. D’abord la présence du cormoran, cet oiseau migrateur protégé qui fait des ravages, et dont l’appétit féroce peut faire perdre jusqu’à un tiers d’élevage sur un étang. Des mesures de protection, par filet ou abris sub-aquatiques ont été prises « mais tant que rien n’est fait en amont, au niveau européen, le problème restera! », rappelle le président de l’Apped.

Autre écueil: le prix du poisson. « On maîtrise pas mal de choses, mais pas encore assez notre prix de vente » constate Jérôme Limandas, pisciculteur et exploitant agricole, âgé de 34 ans, rencontré au bord de son étang.

Le prix de la carpe a été fixé à 1,20 euro le kilo, « il n’a pas changé depuis 15-20 ans! », regrette l’exploitant alors que ce poisson a retrouvé ses lettres de noblesse grâce aux pêcheurs, négociants et restaurateurs locaux, qui ont développé des recettes raffinées.

Eric Liatout, important négociant et grossiste des Dombes, a choisi de perpétuer la tradition piscicole, tout en modernisant sa production.

Sa société « exploite 400 has sur 23 étangs », explique Eric Liatout, qui respecte la méthode de l’+assec+. Elle consiste à assécher un étang tous les trois à quatre ans pour y faire des récoltes, de céréales par exemple, et régénérer le sol avec les plantes avant de le laisser se remplir avec de l’eau de pluie et y réinstaller des poissons.

Les étangs fonctionnent en interaction les uns avec les autres, sans être connectés aux fleuves autour comme le Rhône, ce qui les protège des pollutions.

Thibault Liatout, son fils, responsable commercial dans l’entreprise, montre fièrement une gamme de mousses et rillettes développée depuis 2011: des rillettes de « carpe et écrevisse » ou rillettes de « brochet et sandre » pour l’apéritif.

Les restaurateurs jouent le jeu, comme Vincent Liégeois, chef et patron du restaurant « La bicyclette bleue » à Joyeux, au coeur de la Dombes. Il cuisine uniquement des produits locaux: « cela marche, aujourd’hui les gens viennent spécialement pour la carpe et les produits de la région », se félicite le cuisinier.

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