Les dockers en accusation au procès d’un trafic de cocaïne à Rennes

Rennes, 20 oct 2021 (AFP) – « Votre décision aura un impact notable sur le monde des dockers »: Au procès d’un trafic de cocaïne jugé à Rennes, le ministère public a interpellé les juges alors que sept prévenus, dont deux dockers du port de Montreuil-de-Bretagne (Loire-Atlantique), comparaissent.

L’implication présumée de ces deux dockers de 35 et 48 ans, jugés dans un trafic ayant conduit à l’importation de centaines de kilos de cocaïne des Antilles vers ce port de l’Atlantique, a permis « de nous faire pénétrer dans ce monde particulier », a noté la procureure de la République adjointe Flavie Le Sueur dans son réquisitoire.

Dans ce « monde exclusivement masculin », on y entre « par la famille, par cooptation ou par le syndicat ». Ces ouvriers portuaires, employés au chargement et déchargement des navires, « sont les seuls qui ont la porte d’entrée des ports ».

« Sans eux, l’entrée de ces kilos de cocaïne (en France) serait rendue plus compliquée », a estimé Mme Le Sueur.

Entre juin 2017 et avril 2020, les enquêteurs ont saisi 336 kilos de cocaïne au port de Montoir, dans le cadre de quatre importations impliquant des dockers.

La procureure a expliqué qu’il était « difficile de faire machine arrière » pour les dockers qui mettaient « le doigt dans l’engrenage » du trafic de stupéfiants. Dans l’affaire jugée était pratiquée la technique du « rip off » qui consiste à récupérer la drogue placée dans un conteneur à l’ouverture des portes.

Alors qu’il s’agit d’une profession bien rémunérée, avec un salaire de l’ordre de 4.000 euros par mois, certains dockers cèdent aux sirènes de « l’appât du gain », avec dans le cas de l’affaire traitée la promesse d’un gain de 100.000 euros pour participer à un des « rip off ».

Le ministère public a rappelé la violence et les « risques encourus par certains dockers », citant le cas d’un membre de cette profession enlevé puis tué à Montivilliers, en Seine-Maritime, en juin 2020.

La procureure a en outre estimé que Damien Lorcy, alors qu’il était élu syndical, avait « jeté l’opprobre sur une profession de manière totalement évidente ». Elle a requis huit années de prison à son encontre.

– dossier « d’ampleur » –

Le second docker, qui a écrit un courrier anonyme alertant les douaniers, a reconnu avoir participé à deux importations et sectionné les plombs de containers. Le ministère public, soulignant « qu’il voulait vraiment que tout ça s’arrête », a requis quatre années d’emprisonnement, dont deux avec sursis.

« On peut toujours trouver des choses désagréables à dire sur toutes les professions », a réagi auprès de l’AFP Me Fathi Benbrahim, conseil de Damien Lorcy. « Elle n’est ni plus à plaindre ni plus à jeter l’opprobre que les autres ».

Le procès, qui s’est ouvert lundi, a permis aussi de mettre au jour l’existence d’une « voie secondaire » pour l’importation de cocaïne avec le port de Montoir, prétendument moins surveillé que les trois principaux ports du pays, Dunkerque-Le Havre-Marseille.

Dans ce dossier « d’ampleur par les quantités » – 365 kg saisis pour une valeur à la revente de seize millions d’euros – le « trouble à l’ordre public est important », a souligné Mme Le Sueur.

Dans sa plaidoirie, elle a rappelé que la consommation de cocaïne avait augmenté en France ces dernières années, devenant « un produit de moins en moins cher et de plus en plus pur », ce qui engendre « des risques sanitaires plus importants » avec 10.000 hospitalisations qui lui sont imputées chaque année.

Cinq et dix années de prison ont été requis à l’encontre de deux expéditeurs antillais. Cinq à six années d’incarcération ont été demandées pour trois intermédiaires, « trait d’union » entre les dockers et les commanditaires, jamais identifiés.

Le jugement est attendu jeudi.

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