Les pêcheurs français bloqueront vendredi ports et accès au fret du tunnel sous la Manche

Paris, 25 nov 2021 (AFP) – Un « coup de semonce » avant de durcir le ton: le comité national des pêches français a annoncé le blocage vendredi des accès à trois ports et au tunnel sous la Manche pour les marchandises, pour exiger l’octroi rapide de licences de pêche post-Brexit.

Le gouvernement britannique a aussitôt réagi, se disant « déçu » par ces « menaces de protestation », et a enjoint la France à « s’assurer que des actes illégaux ne sont pas commis et que les échanges commerciaux ne sont pas affectés ».

« Nous ne voulons pas l’aumône, nous voulons seulement récupérer nos licences. Le Royaume-Uni doit respecter l’accord post-Brexit. Trop de pêcheurs sont encore sur le carreau », avait déclaré peu avant Gérard Romiti, le président du comité national lors d’une conférence de presse.

Les pêcheurs bloqueront en mer l’arrivée des ferries dans trois ports de la Manche: Saint-Malo (de 8H à 9H), Calais (de 12H à 13H30) et Ouistreham (14H à 16H).

Sur terre, ils bloqueront également l’accès des camions de marchandises au terminal fret du tunnel sous la Manche pendant quelques heures. L’objectif est ici de de bloquer « les exportations (…) vers l’Angleterre, pour atteindre la population britannique et faire prendre conscience de ce qui se passe. Ils ont accès au marché européen et nous toujours pas à leurs eaux », a expliqué Olivier Leprêtre, président du comité des pêches des Hauts-de-France.

« Cela fait onze mois qu’on attend la bouche ouverte. Nous espérons que ce coup de semonce sera entendu », a répété M. Romiti.

« S’il faut aller plus loin, on visera d’autres produits », a renchéri M. Leprêtre, précisant que le mot d’ordre pour ce vendredi était « de laisser passer les passagers et de bloquer le fret ».

– « Ultimatum » de l’UE –

Ce mouvement est une réponse à l’attitude « provocatrice » et « humiliante » des Britanniques. « Cette question des licences est l’arbre qui cache la forêt: de sa résolution dépendront les relations avec le Royaume-Uni sur le long terme », a prévenu le président du comité national.

Tout en questionnant la robustesse de l’engagement européen au côté des pêcheurs de l’UE, il a salué « l’ultimatum » lancé mercredi par la Commission européenne, qui a demandé à Londres de régler ce contentieux d’ici au 10 décembre.

En vertu de l’accord de Brexit signé fin 2020 entre Londres et Bruxelles, les pêcheurs européens peuvent continuer à travailler dans les eaux britanniques à condition de pouvoir prouver qu’ils y pêchaient auparavant. Mais Français et Britanniques se disputent sur la nature et l’ampleur des justificatifs à fournir.

Au total, depuis le 1er janvier 2021, la France a obtenu « plus de 960 licences » de pêches dans les eaux britanniques et des îles anglo-normandes, mais Paris réclame encore plus de 150 autorisations, selon le ministère français de la Mer.

Les pêcheurs ne veulent pas « être une variable d’ajustement » dans le dossier complexe des relations post-Brexit entre le Royaume-Uni et l’UE, déjà encombré par les questions irlandaise et migratoire.

Dans le dossier de la pêche, le ton est monté à plusieurs reprises. En mai dernier, une flottille française a fait cap sur l’île anglo-normande de Jersey pour un blocus de quelques heures, entraînant l’envoi de patrouilleurs britanniques. A l’automne, Paris a menacé Londres de « mesures de rétorsion », avant d’y renoncer provisoirement pour laisser une chance aux négociations engagées à Bruxelles.

Les pêcheurs français se sentent aujourd’hui confortés par le soutien renouvelé dimanche dernier du président Emmanuel Macron et de sa ministre de la Mer Annick Girardin, qui ont assuré qu’ils se battraient jusqu’au bout pour défendre leurs intérêts.

La situation est particulièrement dramatique pour quelques dizaines de navires qui n’ont plus aucun accès aux eaux britanniques, avec des pertes allant de 20 à 50% de chiffre d’affaires, notamment dans le Boulonnais.

En l’absence de licences britanniques pour les navires européens, les pêcheurs mettent en garde contre un risque de sur-exploitation de la ressource côté français. « Boris Johnson doit en être conscient, prévient Olivier Leprêtre: il n’y a pas de barrière en mer, tout le monde sera touché ».

bur-sb/pn/els

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