Du fait de son alimentation, la communauté de pêcheurs et de chasseurs d’Ittoqqortoormiit a des taux de PFAS dans le sang 13 fois supérieurs au seuil de risque, a expliqué jeudi à l’AFP l’un des auteurs de l’étude publiée dans la revue Cell, Christian Sonne, professeur à l’Université d’Aarhus (ouest).
C’est la région dans le monde où l’on retrouve les taux les plus élevés, « à l’exception des pompiers, des ouvriers d’usines et des cas de contamination directe des eaux souterraines en Suède et en Italie », a-t-il précisé.
Omniprésents dans la vie courante notamment dans les emballages, les textiles, les PFAS (substances per et polyfluoroalkylés) sont susceptibles d’engendrer des problèmes immunitaires, de cholestérol et des cancers.
Pourquoi cette énorme incidence dans un endroit particulièrement isolé où vivent quelque 300 habitants ? La faute en revient au transport à longue portée à travers l’air et la mer de ces substances polluantes qui se retrouvent dans les organismes notamment ceux des animaux ensuite consommés.
« L’est du Groenland est vraiment un point chaud de contamination humaine car on y mange à la fois des ours polaires — chose que l’on ne fait pas en Russie ou au Svalbard — et des phoques annelés, qui accumulent des PFAS et d’autres substances nocives « , a-t-il déploré.
Selon lui, il faudrait que la communauté inuite diversifie ce qu’elle met dans son assiette pour faire baisser les taux.
Toutefois, « ces substances persistent tellement dans l’environnement et dans l’organisme que les concentrations resteront très élevées au cours des 75 à 100 prochaines années », a jugé M. Sonne.
Son étude recommande un nouveau tour de vis de la réglementation. L’objectif serait que « l’industrie fabrique de nouveaux composés susceptibles d’être moins toxiques, moins transportés sur de longues distances et moins persistants ».
Selon lui, les chasseurs présentent également des taux très élevés de mercure et « probablement les plus hautes concentrations de PCB (polychlorobiphényles, polluants dit éternels) au monde ».
Ce phénomène n’est pas cantonné au village d’Ittoqqortoormiit mais varie à travers les territoires arctiques, selon les courants océaniques et les vents.
« Dans l’Est du Groenland, au Svalbard et en Russie, les concentrations de PFAS et de PCB sont élevées et de mercure faibles, mais lorsqu’on se dirige vers le nord-ouest du Groenland, vers le Canada puis vers l’Alaska à l’ouest, les PCB et les PFAS semblent diminuer, tandis que le mercure semble augmenter », a-t-il expliqué.
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