Les relations entre les deux voisins communistes se sont détériorées après l’installation en mai par Pékin d’une plateforme pétrolière dans des eaux disputées en mer de Chine méridionale, qui a provoqué au Vietnam les émeutes anti-chinoises les plus violentes depuis des décennies.
Et si la plateforme a depuis été déplacée, les touristes chinois ne sont pas revenus.
« Ca n’est jamais allé aussi mal (…). L’agence pour laquelle je travaille n’a presque plus de clients, plus de travail », commente Son à l’AFP, qui a vu son salaire réduit des deux tiers.
« Nous nous concentrons sur les voyageurs individuels, pas les groupes, et 100% d’entre eux ont annulé (…). Je n’ai plus rien à faire », se lamente-t-il, envisageant de changer de métier.
Lors des émeutes de mai, des entreprises étrangères, principalement taïwanaises et sud-coréennes, avaient été prises pour cible. Et quatre Chinois avaient été tués selon Pékin, qui avait évacué des milliers de ses ressortissants et mis en garde ceux voulant se rendre au Vietnam.
Si cela semblait raisonnable à ce moment-là, maintenir l’alerte aux voyageurs alors que le danger est passé relève d’une décision politique, estime Jonathan London, de la City University de Hong Kong.
« Cela me rappelle l’une des campagnes de Pékin pour réduire le tourisme chinois aux Philippines », poursuit-il, en référence à un épisode de 2012 lié au contentieux territorial entre les deux pays autour de l’atoll Scarborough, en mer de Chine méridionale.
Pékin avait alors mis en garde ses citoyens contre la sécurité aux Philippines, provoquant des annulations en masse.
La Chine revendique sa souveraineté sur la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale, traversée par d’importantes routes maritimes et potentiellement riche en ressources gazières et halieutiques.
Elle y a des différends territoriaux avec Brunei, la Malaisie, les Philippines et le Vietnam.
– Impact économique –
En juin, les arrivées de touristes chinois (environ 136.700) au Vietnam ont baissé de près de 30% par rapport à mai (194.000), qui avait déjà enregistré une diminution par rapport à avril (216.600), selon les chiffres officiels.
Hanoï va toutefois contiuner à faire campagne en Chine pour prouver que « le Vietnam est une destination sûre », insiste Nguyen Manh Cuong, du Département du tourisme.
Le secteur est en effet très important pour l’économie vietnamienne, ayant représenté près de 6% du PIB en 2013.
Et les Chinois sont de loin les premiers visiteurs, avec plus de 1,1 million jusqu’ici en 2014 malgré la baisse, devant la Corée du sud (plus de 400.000).
Ils ne sont toutefois pas ceux qui restent le plus longtemps, avec une moyenne de cinq jours contre presque le double pour les Européens ou les Américains qui dépensent également beaucoup plus que les Chinois, selon des chiffres officiels.
La chute du nombre de visiteurs est compréhensible, parce que Pékin utilise le tourisme comme une forme de diplomatie, selon Tony Tse, de l’Université polytechnique de Hong Kong.
Dissuader les touristes « agit comme une punition », écrivait-il dans un article de 2013.
« Et la Chine est suffisamment puissante pour exercer ce genre de sanction », ajoutait-il, évoquant notamment le cas des Philippines mais aussi du Japon, dont le tourisme avait été touché en 2012 en raison de la dispute autour des îles Diaoyu (Senkaku pour les Japonais).
Les touristes vietnamiens ont de leur côté aussi annulé en nombre des voyages en Chine, même si Hanoï n’a pas publié de mise en garde à ses ressortissants, selon un agent de voyage.
« Les Vietnamiens aiment aller en Chine (…) mais maintenant ils annulent pour montrer leur patriotisme », commente-t-il, sous couvert de l’anonymat.
Tran Thi Lan, enseignante de 54 ans, était ainsi « très excitée » par un séjour en Chine réservé pour cet été, mais elle a décidé d’annuler, raconte-t-elle à l’AFP.
« Le comportement du gouvernement chinois est inacceptable (…) Nous ne voulons pas passer nos vacances dans un pays qui envahit nos eaux territoriales ».