Licences post-Brexit: colère de pêcheurs « perdants sur toute la ligne »

Granville (France), 18 oct 2021 (AFP) – « On est perdant sur toute la ligne, des deux côtés de la baie »: les pêcheurs de Granville qui voient leurs licences de pêche renouvelées au compte-goutte par Jersey s’estiment pris au piège, entre « provocations » anglo-normandes et « poker menteur » français.

L’accord post-Brexit signé fin décembre entre Londres et Bruxelles prévoit que les pêcheurs européens puissent travailler au large des eaux britanniques et anglo-normandes, mais doivent prouver qu’ils le faisaient déjà dans le passé. Neuf mois après l’accord, Jersey a accordé 64 licences définitives à des bateaux français (contre 169 demandées par Paris) et rejeté 75 dossiers.

. Jean-Marie Lallemand, 52 ans, patron du « Héra », un chalutier de 17,5 mètres, pêche depuis toujours dans la baie, mais « jusqu’à quand? ».

« J’ai obtenu une licence pour 16 jours par an alors que je suis dans les eaux de Jersey au moins 90 jours. C’est incompréhensible: j’ai une balise et il est très facile de vérifier mes positions », dit-il.

Depuis janvier, il n’a pêché que côté français, « avec une perte de 10 à 25% de mon chiffre d’affaires selon les mois ».

. Sur le pont du « Yann-Frédéric », un 15 mètres, Yann Grosse, 52 ans, hausse les épaules. « On est en colère mais on ne peut rien faire, c’est Bruxelles qui décide ». Il vient de livrer sa dernière marée de praires, le seul coquillage pour lequel il ait obtenu une autorisation, avec la Saint-Jacques.

« Tout le monde est pris à la gorge. Le pire c’est de ne pas savoir, dit-il. Est-ce qu’on aura mieux? Combien de temps on va encore devoir attendre? ».

« Tous les pêcheurs sont perdants », estime-t-il. Il a croisé un confrère de Jersey venu livrer ses praires à Granville dans une ambiance de veillée d’armes: « Y’a pas d’avenir. Il m’a dit qu’il arrêtait tout et repartait en Ecosse ».

. Romain Marie, 28 ans, est son propre patron depuis un an et demi sur un moins de 12 mètres et se demande déjà s’il va tenir le coup. « Si je n’obtiens pas de licence, j’arrête la pêche dans deux ans. Si on ne peut pas aller sur Jersey, tout le monde va se rabattre sur Chausey (les îles rattachées à Granville), on ne saura plus où mettre nos casiers (à bulots) ».

Lui s’interroge sur « la bonne foi des Anglais »: « Les premières licences ont toutes été accordées à des patrons à deux ans de la retraite. Qu’est-ce qu’il se passera ensuite? Est-ce que la licence va suivre les bateaux? On n’a aucune certitude ».

. Il n’y a en effet « aucune certitude ». Eric Leguelinel, vice-président du comité régional des pêches et l’homme de toutes les négociations entre acteurs de la baie de Granville, a lui-même eu la surprise de ne pas figurer dans la première liste de Jersey. « Je pêche le homard depuis plus longtemps que la plupart des gars de l’île. J’ai un bateau de plus 12 mètres avec système de géolocalisation. Ce refus de mon dossier était une pure provocation ».

« On peut parfaitement accuser Jersey de ne pas négocier de bonne foi mais il faut faire attention, met-il en garde, parce qu’on ne parle là que de l’attribution des licences, pas encore des droits de pêche ».

En cas de mesures françaises de rétorsion trop violentes, craint-il, « on le paiera dans cinq ans » au sortir de la période actuelle de transition, quand les pêcheurs européens devront renoncer à 25% de leurs prises dans les eaux britanniques.

. Pour Pascal Delacour, premier marin français à avoir obtenu une licence de Jersey, la France a « mal joué son coup ». Paris a demandé au départ « trop de licences » – « il y avait même un bateau de Bayonne qui n’avait jamais mis les pieds ici » – et été « incapable de défendre des pêcheurs qui eux y vont tous les jours ».

« Rien n’est clair et le gouvernement n’a même pas été capable de détacher un administratif pour nous traduire les documents en anglais incompréhensibles que nous envoie Jersey. Parce que moi, grogne-t-il, je suis pêcheur, je suis pas diplomé d’Oxford ».

Les Infos Mer de M&O

Collecter les dividendes du réarmement (par Aurélien Duchêne)

Une augmentation massive de l'effort de défense pèserait à court terme sur les dépenses publiques, mais générerait dans un délai appréciable des retours...

PME & ETI de Défense et de Souveraineté – Comment financer la croissance : Vidéos des tables rondes de la conférence organisée à l’École...

Vous avez été plus de 300 à nous rejoindre sur place tout au long de la journée, et près de 1000 à suivre les échanges...

Ascenz Marorka équipera le navire de croisière Magellan Discoverer d’Antarctica21

Ascenz Marorka, une société de Smart Shipping1 du groupe GTT, annonce avoir été sélectionnée par la compagnie Antarctica21 pour équiper son futur navire de...

Exail équipe les frégates FDI de la Marine Hellénique de systèmes de navigation cybersécurisés

Naval Group a sélectionné Exail pour fournir les systèmes de navigation des frégates de défense et d'intervention (FDI) de la Marine Hellénique. Le...

4 milliards d’euros de nouvelles commandes pour les armées

A quelques jours de la fête nationale, les prises de commandes réalisées auprès des industriels de l’armement au premier semestre 2025 par la...

Plus de lecture

M&O 287 - Juin 2025

Colloque du 12 sept 2025

ACTUALITÉS

Le Bénin et la mer

Découvrez GRATUITEMENT le numéro spécial consacré par Marine & Océans au Bénin et la mer

N° 282 en lecture gratuite

Marine & Océans vous offre exceptionnellement le numéro 282 consacré à la mission Jeanne d’Arc 2024 :
  • Une immersion dans la phase opérationnelle de la formation des officiers-élèves de l’École navale,
  • La découverte des principales escales du PHA Tonnerre et de la frégate Guépratte aux Amériques… et de leurs enjeux.
Accédez gratuitement à la version augmentée du numéro 282 réalisé en partenariat avec le Centre d’études stratégiques de la Marine et lÉcole navale

OCÉAN D'HISTOIRES

« Océan d’histoires », la nouvelle web série coanimée avec Bertrand de Lesquen, directeur du magazine Marine & Océans, à voir sur parismatch.com et sur le site de Marine & Océans en partenariat avec GTT, donne la parole à des témoins, experts ou personnalités qui confient leurs regards, leurs observations, leurs anecdotes sur ce « monde du silence » qui n’en est pas un.