« C’est une victoire et un soulagement », ont aussitôt réagi Jean-Michel Giguet et Raphaël Doutrebente, directeur général et directeur général adjoint de la société coopérative et participative (Scop) MyFerryLink.
« C’est la première fois que la +competition commission+ (CC) perd sur sa compétence juridique », a précisé, ému, M. Doutrebente à un correspondant de l’AFP.
Dans un communiqué, MyFerryLink explique que la commission britannique de la concurrence doit notamment reconsidérer sa compétence juridique, et que le tribunal d’appel va étudier ultérieurement « de manière plus approfondie » les demandes des requérants.
La commission doit ainsi revoir les circonstances de l’acquisition, « à savoir si Eurotunnel a racheté un actif ou une entreprise », a précisé la CC à l’AFP.
« On ne sait pas quand il y aura une décision définitive, cela ne reste finalement qu’une décision temporaire », a souligné Jean-Claude Charlo, directeur général France de DFDS Seaways. Il précise être à la tête de 800 employés français et cinq bateaux battant pavillon français.
« On est fier de tout ce qu’on a fait avec tous les salariés depuis le début de cette aventure, qui a été difficile », a exulté pour sa part M. Doutrebente.
Le ministre des transports, Frédéric Cuvillier, a « salué » la décision, considérant que « le maintien de trois compagnies maritimes sur le Détroit est la garantie d’une concurrence effective ».
Le ministre s’est félicité du « succès » de MyFerryLink, qui, avec 533 marins et sédentaires, dont une majorité d’ex-SeaFrance, capte 11% de parts de marché du trafic fret transmanche et 8% du trafic passager.
Un peu plus d’un an après son lancement, en août 2012, la compagnie de ferries vivait avec une véritable épée de Damoclès au-dessus de la tête.
« Cela avait freiné les transporteurs, je pense qu’on va avoir un boom et repartir. Les gens étaient réservés, c’était un peu compliqué pour nous », a reconnu auprès de l’AFP Eric Vercoutre, secrétaire général du comité d’entreprise de MyFerryLink, qui parle « d’une sorte de chantage ».
Pression sur les prix
La décision unanime du tribunal d’appel de la concurrence casse de fait celle de la commission de la concurrence britannique qui interdisait l’exploitation des ferries de l’ancienne compagnie SeaFrance – dont les bateaux ont été repris en juin 2012 par Eurotunnel et loués à MyFerryLink – au départ du port britannique de Douvres, afin d’éviter une augmentation des tarifs.
La Commission estimait qu’en cumulant un service de ferries avec la gestion du tunnel sous la Manche, Eurotunnel pourrait s’emparer de plus de la moitié du marché des liaisons transmanche et ainsi faire grimper les prix.
Elle avait sommé Eurotunnel de vendre ses deux plus gros navires parmi les trois qu’il possède afin d’éviter que cette interdiction prenne effet.
Eurotunnel et MyFerryLink avaient fait appel de cette décision, assurant qu’elles constituaient deux sociétés bien distinctes l’une de l’autre.
L’autorité de la concurrence française avait elle donné son feu vert en novembre 2012, sous réserve de certains engagements, à l’acquisition par Eurotunnel d’actifs de l’ex-compagnie SeaFrance, notamment trois bateaux.
« Le consommateur est gagnant (…) Cette nouvelle société créée, MyFerryLink, a montré son utilité sur le marché maritime transmanche », a commenté de son côté Jacques Gounon, le PDG du groupe Eurotunnel.
Outre MyFerryLink, le Britannique P&0 et le consortium franco-danois Louis Dreyfus-DFDS assurent les liaisons maritimes entre Calais et Douvres.
Les deux compagnies regrettent une rentabilité en baisse.
« La situation est extrêmement difficile car il y a une surcapacité chronique sur cette ligne où il n’y a pas un opérateur ferry actuellement qui gagne sa vie », a déclaré Jean-Claude Charlo.
P&O, qui emploie 300 personnes en France, affirme de son côté que sa principale préoccupation est « de poursuivre avec succès (son) activité, pour satisfaire la clientèle et surtout protéger les employés de (son) personnel ».
« Tout cela en s’adaptant à une vive concurrence sur le marché transmanche », a souligné une porte-parole de l’opérateur, fustigeant des « prix très bas » desquels « tout le monde subit les conséquences.
« On s’est aperçu qu’avec trois compagnies on arrive à vivre entre Calais et Douvres », a observé de son côté Eric Vercoutre. « Il faut retrouver un équilibre dans les tarifs. Il faut arrêter de faire une guerre (…) tarifaire », a-t-il demandé.
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