Leur pays d’embarquement est l’un des principaux points communs avec le naufrage du 3 octobre qui a fait 362 morts près de Lampedusa. Les victimes étaient dans ce cas essentiellement des Erythréens qui, selon l’ONU, seraient jusqu’à 3.000 à fuir chaque mois le régime d’Asmara.
Vendredi, le bateau transportait surtout des Syriens et était parti la veille de Zouara, en Libye, à 60 km de la frontière tunisienne, selon les 206 rescapés (sur une fourchette de 270 à 400 passagers).
Mohammed a fui les troubles en Syrie et traversé toute l’Egypte avec sa famille avant de monter à bord: « nous avions entendu dire que c’était un moyen de gagner l’Europe. Nous savions que c’était dangereux mais nous n’avions pas le choix », a-t-il raconté dimanche à l’AFP.
Mohammed, qui fait partie avec une de ses filles des 146 rescapés hébergés à Malte, n’a aucune nouvelle de sa femme Tagrid enceinte et de leur autre fille de 7 ans.
Selon ce rescapé, le bateau a été suivi pendant quatre à cinq heures par « des miliciens » qui « tout à coup » leur ont tiré dessus.
« Ils ont blessé deux personnes. Puis ils ont continué de tirer et le bateau a commencé à prendre l’eau. Il s’est rempli très vite et on s’est retrouvé à la mer, j’ai attrapé ma fille », a-t-il expliqué.
Molhake Al Roarsan, un autre Syrien de 22 ans, a assuré au journal La Stampa que « trois jeunes ont été blessés », émettant l’hypothèse d’un conflit entre des groupes de trafiquants. « Il y a eu une lutte furieuse, des cris à la radio et au téléphone avec quelqu’un qui exigeait que nous retournions à terre, mais le capitaine ne s’est pas arrêté », a-t-il dit. Selon Repubblica, les tirs provenaient d’une vedette libyenne « qui faisait probablement partie d’une autre bande criminelle ».
« Mission militaro-humanitaire » en Méditerranée
Le Premier ministre maltais Joseph Muscat est parti en urgence dimanche pour rencontrer son homologue libyen, Ali Zeidan, pour lui exprimer sa « solidarité » après son enlèvement express de la semaine passée, et pour discuter de la vague croissante d’immigrés partant des côtes libyennes.
Le ministre italien de la Défense Mario Mauro a appelé l’Union européenne à adopter des décisions concrètes lors de son sommet des 24 et 25 octobre « pour garantir la stabilité politique des pays africains et affronter les flux migratoires ». Selon M. Mauro, ce qui se passe « en Syrie fera fuir des millions de personnes pendant des décennies ».
Mohammed a précisé à l’AFP avoir versé aux trafiquants 1.500 dollars pour lui-même, autant pour sa femme et 900 pour chacune de leurs filles. « Mais quand nous sommes montés à bord, les miliciens ont pointé leurs mitraillettes sur nos têtes en demandant davantage, j’avais 5.000 dollars que j’ai dû leur donner », a-t-il souligné.
Le capitaine du bateau, un Tunisien reconnu par des survivants, aurait été arrêté par les autorités maltaises, selon les médias.
Les patrouilles en mer se poursuivaient dimanche après le sauvetage de 180 migrants égyptiens, somaliens et érythréens, conduits dimanche à Porto Empedocle.
C’est dans cette localité qu’ont été acheminés en ferry les 150 premiers cercueils des morts du naufrage du 3 octobre, pour être enterrés en majorité dans des cimetières siciliens.
Une autre opération de secours était en cours dans l’après-midi, selon les médias. Deux navires (marine et garde-côtes) étaient mobilisés pour ramener sur la terre ferme 400 migrants ayant lancé un appel de détresse.
Le Premier ministre Enrico Letta a annoncé le lancement lundi d’une « mission militaro-humanitaire » en Méditerranée, passant par un triplement des unités navales renforcées par des moyens aériens pour éviter de nouveaux drames.
La ministre italienne des Affaires étrangères Emma Bonino a toutefois souligné que patrouiller en Méditerranée doit surtout servir à sauver plus de migrants, « pas à leur dire +restez où vous êtes+ ».