Alan Morison et sa collègue thaïlandaise Chutima Sidasathian, du journal en ligne Phuketwan, risquent deux ans de prison pour diffamation et cinq ans pour violation de la loi sur les crimes informatiques.
Le procès s’est concentré mardi sur le témoignage de R.N. Pallop Komlotok, un capitaine de la marine, qui a confirmé avoir déposé cette plainte au nom de l’armée.
Les deux journalistes doivent à leur tour témoigner, mercredi, et Chutima s’est dite mardi soir « confiante » dans la clôture du dossier par ce tribunal de Phuket, province touristique du sud de la Thaïlande où est basé Phuketwan.
Ce petit journal en ligne de qualité s’est spécialisé dans le suivi des affaires de trafic d’êtres humains dans le sud de la Thaïlande, région frontalière de la Malaisie dénoncée comme une zone d’impunité des passeurs par les ONG.
Les poursuites contre eux sont liées à un article publié en juillet 2013, qui citait une enquête de l’agence Reuters mettant en cause des militaires thaïlandais dans un trafic de réfugiés de la minorité apatride musulmane des Rohingyas, qui fuient les persécutions en Birmanie.
« Les poursuites initiales contre Reuters ont été abandonnées », seul Phuketwan restant dans le viseur de la justice, a insisté M. Morison.
Chutima couvre la question des réfugiés rohingyas en Thaïlande depuis des années et avait également été engagée par Reuters pour travailler sur son enquête récompensée.
Ce procès survient alors même que la junte militaire ayant pris le pouvoir par un coup d’Etat en mai 2014 assure vouloir mettre fin à l’impunité des trafiquants. Sa révélation de camps de transit dans la jungle du sud a désorganisé les filières et conduit à une crise en mai 2015, avec des milliers de migrants abandonnées en mer par leurs passeurs.
La junte a révélé que plusieurs fonctionnaires, dont le lieutenant-général Manas Kongpan, officier supérieur de l’armée, étaient partie prenante de ces réseaux.
Les ONG de défense des droits de l’Homme comme Human Rights Watch ou Reporters sans frontières accusent la marine thaïlandaise de vouloir museler dans cette affaire un petit organe de presse.
Le Haut-Commissariat aux droits de l’Homme de l’ONU a appelé mardi la justice thaïlandaise à abandonner les charges pesant contre les deux journalistes, inculpés en avril 2014.
« La liberté de la presse, y compris la liberté des journalistes de travailler sans peur des représailles, est essentielle », a plaidé l’agence onusienne dans un communiqué mardi.
Le procès doit durer trois jours et le verdict être prononcé dans un délai d’un mois.