Thaïlande: 2 journalistes inculpés en lien avec un article récompensé par un Pulitzer

Alan Morison et sa collègue thaïlandaise Chutima Sidasathian risquent deux ans de prison pour diffamation et cinq ans pour violation de la loi sur les crimes informatiques.

Les poursuites sont liées à un article publié en juillet dernier par le site d’informations Phuketwan, qui citait une enquête de l’agence Reuters mettant en cause des militaires thaïlandais dans un trafic de réfugiés de la minorité apatride musulmane des Rohingyas, qui fuient les persécutions en Birmanie.

Le tribunal de Phuket « a accepté d’entendre les deux chefs d’accusation contre eux », a indiqué leur avocat Phanom Butakhieo à l’AFP.

Ils ont été laissés libres contre une caution de 100.000 bahts (2.250 euros) chacun et Morison n’a plus le droit de quitter le pays, a-t-il ajouté. La prochaine audience aura lieu le 26 mai.

« Je suis choquée qu’ils poursuivent cette affaire (…). C’est un vrai coup », a déclaré Chutima à l’AFP.

Reuters n’est pas poursuivie pour son reportage qui fait partie d’une série d’articles récompensés cette semaine par un prix Pulitzer, et les défenseurs des droits de l’Homme ont accusé la Marine thaïlandaise de vouloir museler un petit organe de presse.

« Le procès de ces deux journalistes n’est pas justifié et constitue une tache noire pour le bilan de la Thaïlande en matière de respect de la liberté des médias », a commenté Brad Adams, de Human Rights Watch.

« Les journalistes de Phuketwan n’ont absolument rien à faire devant un juge », a souligné Benjamin Ismaïl, de Reporters sans frontières, accusant la Marine de vouloir les « intimider » pour « dissimuler des informations sensibles et dissuader tout commentaire sur ce scandale humanitaire ».

Phuketwan est un site d’informations en anglais, petit mais respecté, basé à Phuket. Chutima, qui couvre la question des réfugiés rohingyas en Thaïlande depuis des années, avait également été engagée par Reuters pour travailler sur son enquête récompensée.

Une porte-parole de Reuters a indiqué que l’agence s’opposait à « l’utilisation de lois criminelles contre la presse — petite ou grande, locale ou internationale — pour la publication de sujets d’intérêt public, comme les Rohingyas ».

Quelque 800.000 Rohingyas, considérés par l’ONU comme une des minorités les plus persécutées de la planète, vivent confinés dans l’ouest birman. Des milliers d’entre eux ont pris le chemin de l’exil sur des embarcations de fortune depuis le début en 2012 de violences communautaires visant en particulier les musulmans.

La plupart tentent de rejoindre la Malaisie, mais certains ont accosté en Thaïlande.

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