UE: accord pour interdire progressivement les rejets de poissons en mer

Si les Etats partageaient l’objectif de réduire le gaspillage, le calendrier de l’interdiction des rejets et ses modalités d’application ont fait l’objet de discussions tendues.

La pratique des rejets, qui consiste à passer par-dessus bord les poissons non commercialisables car trop petits, abîmés ou tout simplement hors quotas, représente près d’un quart des captures totales de l’UE. Or, obliger les pêcheurs à débarquer leurs prises les inciterait à être plus sélectifs.

Après plus de 20 heures de négociations, les ministres européens réunis à Bruxelles ont décidé d’interdire dès 2014 le rejet en mer des espèces pélagiques, a indiqué la présidence irlandaise de l’UE dans un communiqué.

L’obligation de débarquer s’étalera jusqu’en 2019, selon les espèces de poissons et les zones: elle s’appliquera à partir de 2015 en mer Baltique, à partir de 2016 en mer du Nord et dans les eaux du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, et à partir de 2017 en mer Méditerranée, en mer Noire et dans toutes les eaux européennes ou non.

Des exceptions ont toutefois été prévues pour permettre aux pêcheries de s’adapter. Ainsi, une exemption autorise le rejet de 9% des prises les deux premières années, ensuite 8% pour atteindre 7% en phase finale.

Les poissons débarqués pourront être utilisés à des fins caritatives.

Le compromis a reçu le soutien de 26 Etats membres, dont celui de grandes puissances de pêche comme la France et l’Espagne. Seule la Suède est restée attachée à une approche plus stricte.

« Nos ministres souhaitent réellement engendrer un changement dans la manière dont nos stocks halieutiques sont gérés et dont nos flottes opèrent. Ce sera un tournant positif, pas seulement pour ceux qui sont préoccupés par l’état des stocks, mais aussi pour les marins pêcheurs qui veulent pouvoir pêcher encore dans dix ou quinze ans », a commenté lors d’une conférence de presse le ministre irlandais Simon Coveney, dont le pays préside actuellement les 27 Etats membres.

De son côté, la commissaire européenne en charge du dossier, Maria Damanaki, a salué « un grand changement » dans la politique européenne de la pêche et a rappelé que la Commission essaierait « par tous les moyens » dont elle dispose « d’aider les Etats membres à adapter leur flotte à cette nouvelle réalité ».

Le texte, qui s’inscrit dans le cadre de la réforme de la Politique commune de la pêche (PCP), doit encore faire l’objet de discussions avec le Parlement européen, qui s’était prononcé le 6 février en faveur d’une interdiction progressive des rejets dès 2014, mais sans exception. L’Irlande a dit espérer parvenir à un accord avant la fin de son mandat, en juin.

Le compromis conclu dans la nuit a été décrié par les ONG. « Les ministres de la Pêche ignorent la volonté des peuples parce qu’ils n’ont pas le courage politique de faire ce qui est juste », a dénoncé Oceana dans un communiqué.

Le réseau BirdLife a regretté « le manque d’ambition » des ministres, qui sont « encore trop timides pour (…) nous offrir une rupture radicale avec le modèle dépassé de la surpêche et des dommages environnementaux ».

L’UE est la troisième puissance de pêche mondiale derrière la Chine et le Pérou, mais ses ressources halieutiques déclinent: 68% des stocks de poissons – 47% en Atlantique et 80% en Méditerranée – sont affectés par la surpêche.

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