Transat New York – Vendée : l’Atlantique plein pot

 

Armel Le Cléac’h, abandon au nom de la prudence

L’imposant banc de cétacés dont la flotte a coupé la trajectoire, lundi, a eu raison des espérances d’Armel Le Cléac’h dans cette première New York – Vendée (Les Sables d’Olonne). Mardi matin, le skipper de Banque Populaire VIII a préféré jeter l’éponge depuis Newport, qu’il avait rejoint à l’instar des quatre autres Imoca60 endommagés hier. Pour l’enfant de Saint-Pol-de-Léon, l’enjeu est désormais de ramener le bateau à la maison, mais pas en mode course :

« Le foil n’est pas réutilisable dans son état actuel, ni le puits qui nécessite des réparations plus poussées. Pour pouvoir reprendre la mer dans un délai raisonnable, nous allons condamner le puits de foil. Il est préférable d’abandonner la course car nous ne serons plus performants en tribord amure, soit une grande partie de la traversée avec la météo actuelle. De plus, repartir mercredi nous positionnerait à plus de 1000 milles des premiers dans une météo beaucoup moins favorable ».

Dick de retour en course, Eliès dans les starting-blocks

Jean-Pierre Dick reprenait, lui, la route vers les Sables d’Olonne à 14h15, après avoir sécurisé son bateau. Comme ses adversaires, c’est le foil bâbord qui a « subi » l’impact avec un OFNI, le puits de dérive accusant aussi quelques dommages. Mais c’est surtout le risque de dommages collatéraux qui inquiétait le Niçois, la partie extérieure du foil menaçant l’outrigger et, par voie de conséquence, le mât. Reparti dans des vents faibles avec quelque 500 milles de retard sur la tête de flotte, Jean-Pierre Dick a cependant décidé de rester en course : «L’important est de ne pas abandonner (…) Je vais tirer des bords pour éviter la zone des glaces et, ensuite, je mettrai le cap vers les Sables d’Olonne ».

Tandis que ses équipes à terre s’affairaient, Yann Eliès en a profité pour recharger ses propres accumulateurs. Après une longue sieste, le skipper a rejoint le ponton de Newport où l’attendait son IMOCA60 Quéguiner – Leucémie Espoir. Un peu déçu, Eliès va repartir vers 22 heures (heure française) avec une mission : finir sa qualification pour le Vendée Globe. « J’aurais pu réparer en mer, avec le risque que ça lâche, expliquait-il en fin d’après-midi. Cela aurait été dommage de se retrouver au milieu de l’Atlantique avec 100 litres d’eau par heure dans le bateau, alors que la priorité est que je me qualifie. Je n’ai pas vu ce que j’ai heurté, mais cela fait penser à un cétacé. C’est une leçon qu’on doit tous retenir dans l’optique du Vendée Globe. Clairement, ça nous fait ouvrir les yeux sur un problème qu’on n’avait pas totalement envisagé. Là, je vais repartir tranquille, en solo, et en mode qualification ». 

L’on s’agitait encore dans l’équipe technique de Safran, ce mardi après-midi. Morgan Lagravière, particulièrement déçu, allait devoir attendre qu’une décision soit prise après le premier bilan, dressé ce mardi matin, et qui faisait état de réparations importantes. La collision sous-marine a en effet engendré de gros dégâts sur le foil et le puits de foil. Difficile de ne pas l’imaginer impatient de retourner en course, tout comme Pieter Heerema (No Way Back), contraint hélas de faire mentir le nom de son bateau en faisant demi-tour, direction Newport, après avoir heurté quatre OFNI, le dernier provoquant des dommages sur son foil et son puits de foil, et une petite voie d’eau.

Au tour de Vincent Riou

Inquiet lundi des risques de collision, Vincent Riou n’y aura finalement pas échappé. C’est dans la nuit, et du safran, que le skipper de PRB a heurté un OFNI. Si le safran s’est relevé, une petite voie d’eau s’est déclarée dans le cache ligne d’arbre d’hélice. Le vainqueur de la Transat Jacques-Vabre 2015 poursuit sa route vers les Sables d’Olonne, fief de son sponsor.

S’il parvient à écoper, son moteur n’est cependant pas à l’abri, et Vincent Riou cherche une solution durable à mettre en place dans les 36 heures, avant d’attaquer la dépression assez creuse qui se pointe sur sa route dans le sud est de la zone d’exclusion des glaces.Contraint de modérer son allure après l’incident, Vincent Riou a fini par céder un peu de terrain « Juste après mon choc cette nuit, j’ai vu Edmond de Rothschild passer sous mon vent et Maître CoQ me dépasser aussi, regrettait-il. Les routes optimales nous font passer dans la dépression, mais les vents annoncés dépassent les 40 nœuds. C’est le prochain passage à négocier, on se penche aussi dessus en ce moment ».

Thomson, à brise abattue

Sinon ? Ça cavale ! Casaque noir et certitudes vissées au moral, Alex Thomson a mis le turbo ce matin, prenant le leadership à l’heure où les brioches sortaient des fours vendéens grâce à une chevauchée à 23 nœuds de moyenne, avec des pointes à 25, et une moyenne de 475 milles en 24 heures, pointée ce midi. Le Gallois ne boudait pas son plaisir cet après-midi : « Je crois que j’ai un bateau plutôt rapide !

Il est un peu plus étroit et un peu plus léger que les autres et, apparemment, ça marche bien. J’ai eu quatre collisions, j’ai tapé quelque chose de très dur, deux fois, avec le foil. Mais ça va. J’étais très inquiet (sur zone, ndlr), j’ai vu quelque chose qui ressemblait à de gros poissons soleil, avec de grandes nageoires dorsales. Ils étaient 15 ou 20 ».

Premier à ses trousses, Jérémie Beyou (Maître-CoQ) pointait à 23,5 milles de son tableau arrière à 17h45, heure française. Patiemment, le Breton s’est recalé après son option sud du départ, qui lui a permis d’éviter le trafic maritime. Mais, même deuxième, c’est à pas prudents que le Lorientais avance. « Quand j’ai vu que les autres avaient tapé des baleines, j’ai relevé mes foils. Ça m’a fait « flipper ». J’ai passé la journée sur le pont, en veille, à relever mon foil sitôt que je voyais des bancs de poissons ou des oiseaux. Ils ont dû croiser quelque chose comme trente baleines, c’est dingue… Ces bateaux sont épatants, on peut atteindre 25 nœuds aisément, comme l’a fait Alex Thomson, mais ces histoires de choses qui traînent dans l’eau m’ont calmé. Est-ce que je suis bien, en mer ? Oui, mais je suis aussi triste pour les mecs qui sont rentrés, en particulier Morgan (Lagravière), qui était très déçu. J’espère qu’il va s’en remettre vite, comme Yann (Eliès) et les autres ».

Heurs et frayeurs de Fabrice Amedeo

Des petits coups de sang auront jonché les 24 premières heures de course de Fabrice Amedeo. Le skipper de NewrestMatmut a manqué de percuter un cargo, dans le chenal du départ, puis il a dû se faufiler au milieu d’une dizaine de bateaux de pêche qui n’avaient pas branché l’AIS.

« Les conditions étaient difficiles, j’ai levé le pied, admettait le Parisien. Je regarde avec beaucoup d’attention la dépression qu’il faudra contourner par le sud jeudi ou vendredi.

Je ne me mets pas la rate au court-bouillon pour la course : je veux surtout naviguer en bon marin et ramener le bateau à bon port. Depuis qu’on s’est éloigné des côtes, je prends un grand plaisir à naviguer. J’ai passé une superbe nuit sous gennaker. Le bateau est grand et technique, mais j’ai pris le parti de naviguer comme je l’entends. Je navigue comme je le ferai sur le Vendée Globe, avec une toile que je juge raisonnable et qui me permet de rester maître de la situation, dans une maîtrise technique qui correspond à quelqu’un comme moi ».

Demandez le programme !

Pour Maître CoQ et les autres, se profile un long bord de tribord avec un empannage dans 300 milles. Spécialiste météo, Christian Dumard* annonce les conditions à venir : « Coté vent, le groupe de tête navigue en bordure d’un anticyclone dans une vingtaine de nœuds. Le vent est de sud ouest, soit un angle d’environ 120° avec le bateau. Le vent devrait tourner à l’ouest puis au nord ouest dans les trois jours à venir, et forcir légèrement. La question qui va se poser dès demain soir est de savoir quand empanner pour aller jouer dans le sud de la prochaine dépression, à l’est de la zone des glaces ».

Parce que, quand la zone des cétacés est définitivement effacée, se profilent alors les glaces. Décidément, la vie des skippers solitaires n’est pas de tout repos… 

* Great Circle, la société créée par Christian Dumard et Bernard Sacré, est en charge des bulletins météo pour la New York – Vendée (Les Sables d’Olonne).

A noter : le record Delma de la plus grande distance effectuée en 24 heures est détenu depuis 12h15 par Alex Thomson (Hugo Boss), qui a parcouru 475 milles à la vitesse de 19,8 nœuds. 

Classement de la Transat New York-Vendée (Les Sables d’Olonne) du 31 mai à 17h45

1/ Alex Thomson (HUGO BOSS) 2409.4 nm de l’arrivée 

2/ Jérémie Beyou (Maître CoQ) à 23,5 nm du leader 

3/ Sébastien Josse (Edmond de Rothschild) à 33,4 nm

4/ Vincent Riou (PRB) à 51.5 nm

5/ Paul Meilhat (SMA) à 67.7 nm

6/ Tanguy de Lamotte (Initiatives Coeur) à 111,6 nm

7/ Kojiro Shiraishi (Spirit of Yukoh) à 160,5 nm

8/ Fabrice Amedeo (Newrest-Matmut) à 179,9 nm

9/ Conrad Colman (100% Natural Energy) à 580.9 nm

10/ Jean-Pierre Dick (StMichel-Virbac) à 583.0 nm

11/ Yann Eliès (Quéguiner-Leucémie Espoir) à 594.2 nm

12/ Morgan Lagravière (Safran) à 594,2 nm

13/ Pieter Heerema (No Way Back) à 594.2 nm

ab Armel Le Cléac’h (Banque Populaire)

Source : IMOCA Ocean masters

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