Ce décès est intervenu après plusieurs cas suspects depuis plus d’une vingtaine d’années.
Agé de 50 ans, le joggeur retrouvé mort le 8 septembre dans une vasière de l’embouchure du Gouessant, appartenait à un club de course à pied. Il lui arrivait de parcourir des distances de 60, voire 80 km. Il connaissait également parfaitement le site puisqu’il y courait régulièrement.
En apprenant le lieu de ce décès, des associations se sont immédiatement interrogées sur le lien avec les algues vertes qui, se décomposant, émettent du sulfure d’hydrogène (H2S), un gaz extrêmement toxique à forte dose. A l’été 2011, 36 sangliers avaient été retrouvés morts dans cet estuaire. Un rapport de l’Anses avait mis en avant de fortes présomptions sur la responsabilité de l’H2S.
Dans un premier temps, les pouvoirs publics n’ont pas éprouvé la nécessité de rechercher les causes du décès. C’est seulement deux semaines plus tard que la justice a décidé de faire procéder à l’exhumation du corps pour pratiquer une autopsie et des analyses toxicologiques.
– recherche de la vérité entravée ? –
De source médicale, on considère que ce retard a entravé la recherche de la vérité, les résultats des examens étant inévitablement « moins parlants » après un tel délai.
Dans un communiqué le 9 décembre, le procureur de Saint-Brieuc écrit effectivement que les examens pratiqués ne permettent pas de déterminer « clairement » les causes de la mort, sans écarter totalement qu’elle soit le résultat d’une intoxication au H2S.
Le magistrat, qui a fait réaliser dans le secteur des mesures d’H2S, relève cependant que « la toxicité ainsi révélée » paraît « constituer un risque réel pour la santé ». Il a décidé de transmettre ces éléments au préfet.
Sollicitée par l’AFP, la préfecture a indiqué que l’ensemble des pièces est en cours d’analyse et qu' »aucune mesure supplémentaire n’est prise pour le moment ». Le préfet peut cependant prononcer une interdiction au coup par coup comme il l’a fait mi-octobre concernant un trail nocturne prévu près de l’embouchure du Gouessant.
Malgré l’énorme travail réalisé en Bretagne depuis 2009, qu’il s’agisse du ramassage quotidien des algues fraîches et de leur traitement ou de la modification des pratiques agricoles dans les huit bassins versants les plus exposés, le risque sanitaire a été « peu pris en compte », reconnaît le Conseil régional qui vient d’adopter un deuxième plan de lutte pour 2017-2021.
Ces algues, qui existent en mer à l’état naturel, prolifèrent en raison notamment d’apports excessifs d’azote – utilisé en agriculture – et dans des conditions bien particulières (baies sableuses, luminosité…).
Auourd’hui, du fait des mesures prises, les plages ne présentent plus de danger. Mais les vasières, les embouchures sont impossibles à nettoyer. Les algues vertes s’y décomposent. « On a un gros travail à faire sur la dangerosité des vasières », considère Thierry Burlot, vice-président du Conseil régional en charge de l’environnement, interrogé par l’AFP.
La « putréfaction sous les sédiments, sable ou vase, d’algues vertes (…) n’est toujours pas reconnue », reprochent deux associations qui ont déposé plainte après le décès du joggeur contre le préfet de Région et celui des Côtes d’Armor pour mise en danger de la vie d’autrui. Une autre association a obtenu du gouvernement la saisine de l’Anses pour mener des recherches complémentaires après ce décès.
« Entretenir le doute, c’est persévérer dans l’erreur et montrer une volonté délibérée de ne pas nommer la cause du décès. Ce doute a aussi des conséquences graves puisqu’il incite la population à sous-estimer le danger », ont écrit lundi dans un communiqué huit médecins, dont plusieurs spécialistes en toxicologie. Pour ces experts, les informations fournies par le procureur constituent « des signes concordants d’une intoxication aigüe » au H2S.