Le thon rouge a repeuplé les pâturages marins de Méditerranée

Il mange presque tout ce qui passe devant ses machoires, peut peser jusqu’à 650 kilos, mesurer plus de 4 mètres de long et pondre des centaines de millions d’oeufs: pourtant, cette force de la nature a failli périr de la surpêche.

« En 2001, nous avons connu une grave crise, le thon rouge (de Méditerranée) était sur le point de disparaître », rappelle à l’AFP Alessandro Buzzi, expert de l’ONG, WWF.

Le stock de reproducteurs était tombé à 150.000 tonnes en 2008. Lors de la dernière évaluation menée en 2013, il était remonté à 585.000 tonnes, et on s’attend à encore mieux cette année.

Alors que l’objectif de rétablissement du stock était fixé à 2022, « les analyses scientifiques montrent qu’on l’aura atteint dès 2018 », se félicite auprès de l’AFP Bertrand Wendling, directeur général de Sa.Tho.An, coopérative du port de Sète, alors que la campagne de pêche démarre vendredi (jusqu’au 24 juin).

Ce qu’on appelle thon de la Méditerranée est en réalité une partie du « Thunnus thynnus » ou thon de l’Atlantique, dont la Méditerranée est l’un des principaux bassins de reproduction et donc de pêche.

Une nouvelle évaluation du stock sera menée cet été pour être présentée à l’automne devant la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (ICCAT).

« Si l’évaluation est positive, ce sera la fin du plan de reconstitution, en gros des mesures d’urgence. Cela ouvrira la voie à un plan de gestion sur le long terme qui fera l’objet de discussions, avant sa mise en place », déclare Alessandro Buzzi.

Mais ce qui pourrait sonner comme une bonne nouvelle réveille aussi de vieilles craintes.

Car la demande mondiale ne faiblit pas. Si le thon des sushis vendus en Europe est généralement de l’albacore, une variété tropicale qui n’est pas du thon rouge, 80 à 90% des thons pris par les gros thoniers senneurs en Méditerranée partent au Japon, où sa chair est très prisée, après avoir été engraissés dans des fermes en Méditerranée.

« Tout le monde saisit l’opportunité de la reconstitution du stock pour demander une hausse du quota », que ce soit l’Espagne, l’Italie ou l’Algérie, selon M. Buzzi.

– Un produit d’exception –

Mais les pêcheurs français ne sont pas sur la même ligne.

« Les pêcheurs demandent à ce que les quotas et les contrôles perdurent », clame M. Wendling, expliquant avoir « extrêmement peur que le dispositif s’assouplisse trop et qu’on retombe dans les excès rencontrés il y a quelques années ».

De plus, « nous avons réduit le nombre de navires autorisés à pêcher », souligne-t-il.

Outre les dangers que cela ferait courir à la ressource, il craint une chute des cours, aujourd’hui autour de 10 euros le kilo, contre un à deux euros il y a quelques années.

« Il y a des parties contractantes qui vont dire +le stock va bien, on veut plus de parts de gateau+ », explique à l’AFP Tristan Rouyer, chercheur à l’Ifremer, pour qui la pêche méditerranéenne au thon rouge est actuellement « la plus verrouillée au monde », donc la moins sujette à la pêche illégale.

« Il faut s’assurer que d’éventuelles augmentations de quotas bénéficient à ceux qui exploitent cette ressource de manière durable », estime Alessandro Buzzi, pour qui les méthodes d’engraissement du thon dans les fermes, notamment espagnoles, « ne sont pas durables d’un point de vue environnemental ».

A l’inverse des Espagnols qui ont moins de bateaux et vivent surtout de l’aquaculture ou des Algériens qui ont des quotas nettement plus petits, les pêcheurs français traitent le thon comme un produit d’exception.

Ils espèrent d’ailleurs obtenir bientôt le label de « première pêcherie de Méditerranée éco-certifiée », qui mettrait en valeur la pêche à l’hameçon. Car, souligne M. Wendling, « on veut pêcher moins, mais vendre mieux ».

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