Dans quelle situation se trouve l’Aquarius?
L’Aquarius, principal navire humanitaire encore actif en Méditerranée centrale est rentré jeudi dans le port de Marseille.
Après un premier retrait d’immatriculation de Gibraltar en août, c’est au tour du Panama d’annoncer ses intentions de quitter le navire, ce qui le contraindrait à rester au port.
Afin d’éviter une paralysie du bateau, une pétition a été lancée fin septembre par la coopérative citoyenne Mouvement Utopia pour que l’Aquarius puisse « battre sous pavillon français », récoltant actuellement plus de 63.000 signatures.
Plusieurs personnalités, dont des universitaires et politiques, avaient également signé une tribune dans Le Monde, appelant l’Etat français à aider le navire à poursuivre son action au secours des migrants en lui accordant son pavillon.
Que souhaite SOS Méditerranée, qui loue le bateau?
« On prendrait n’importe quel pavillon qui nous permettrait d’exercer notre mission », a expliqué à l’AFP, Francis Vallat, président de l’association SOS Méditerranée, qui loue l’Aquarius, et ancien dirigeant d’Armateurs de France.
Le président de l’ONG dit se tourner « naturellement vers les pays européens ». Les pays européens sont « soumis au chantage de l’Italie », ajoute M. Vallat, dénonçant des pressions politiques déjà émises par le gouvernement italien envers le Panama.
Les considérations économiques entre différents régimes fiscaux contribuent également au choix effectué par l’armateur du bateau.
« Le pavillon français, j’en serais fier car je suis Français, mais ça demande plein de dérogations à beaucoup de points de vue (…), ça peut être tellement compliqué, qu’à mon avis ce n’est pas réaliste. »
« Nous ce que l’on veut c’est repartir en mission, tout de suite, le plus tôt possible », a-t-il conclu.
Quels liens existe-t-il entre un bateau et son pavillon?
« Les choses paraissent simples et très politiques, mais la réalité de l’attribution d’un pavillon est beaucoup plus réglementaire », explique Pierre Maupoint de Vandeul, expert maritime et délégué du syndicat CFE-CGC des navigants.
A l’origine de l’attribution d’un pavillon, rappelle M. Maupoint de Vaudeul, doit exister un « lien économique » entre le pays et son navire: « on attribue un pavillon comme on attribue une nationalité ».
Depuis plusieurs décennies, la marine a connu un assouplissement du lien économique entre une nationalité et son bateau, avec l’entrée des « bateaux de complaisance ».
Les armateurs enregistrent fréquemment leurs bateaux comme pavillons de complaisance, en les immatriculant dans des pays étrangers où les conditions financières et législations sociales sont plus avantageuses, comme c’est le cas au Panama.
« On a plusieurs types de pavillons internationaux », explique l’expert maritime, la délivrance d’un registre international français (RIF) imposant plus de contraintes que le pavillon panaméen.
Quelles sont les conditions d’attribution d’un pavillon français?
Pour qu’un navire soit immatriculé au RIF, la navigation doit d’abord être, par définition, de cabotage international ou au long cours. L’équipage doit ensuite être composé d’au moins un quart de ressortissants de l’Union européenne.
A ces deux conditions, s’ajoutent une liste de critères de conformité au type de navire enregistré (de transport de passagers, de charge etc.)
Selon M. Maupoint de Vaudeul, l’Aquarius « n’aurait aucun problème » à répondre aux critères de navigation. Il n’aurait pas non plus de problème à établir un lien avec la France, son siège social de SOS Méditerranée étant à Paris.
En revanche, se poseraient davantage de questions sur les conditions de sécurité et d’armement du navire, selon lui.
« C’est un petit peu tabou d’en parler, parce que vous comprendrez bien qu’aujourd’hui les flottes humanitaires gèrent leur navire avec des coûts qui correspondent à ce qu’elles peuvent faire », subissant « une contrainte financière forte » ajoute l’expert.
La ministre des Transports Elisabeth Borne, a reconnu à demi-mots ces difficultés »: « Il faut que le bateau soit en règle, il faut que le marins soient européens, que les officiers soient européens », a-t-elle dit sur CNews.