Depuis le début de la semaine, les fédérations sectorielles sonnent l’alarme sur les désordres à attendre à partir du 1er janvier, sachant qu’en l’absence de clarté sur un accord commercial ou pas avec l’Union européenne, nombre d’entreprises n’ont pu se préparer correctement pour le grand saut hors de l’UE.
« Les entreprises britanniques espèrent toujours qu’un accord de Brexit sera trouvé mais elles feront face à des perturbations à partir du 1er janvier » quoiqu’il arrive, remarquait Darren Jones, qui préside la commission parlementaire sur les entreprises à Westminster, à l’issue d’une audition mardi avec des représentants des milieux d’affaires.
Ces derniers ont mis en garde contre « de potentielles pénuries de nourriture et des augmentations de prix même en cas d’accord », et contre « une accumulation de coûts pour notre industrie automobile, tout comme des inquiétudes sur les services financiers », a-t-il ajouté.
James Sibley, directeur des affaires internationales de la Fédération britannique des petites entreprises (FSB), expliquait de son côté sur la BBC jeudi s’attendre à « de terribles perturbations en janvier ».
Le pays en a déjà un avant-goût: depuis plusieurs semaines les ports sont congestionnés et les circuits d’approvisionnement perturbés.
Beaucoup d’entreprises essaient de se faire livrer des stocks d’avance pour éviter le désordre redouté en janvier, ou bien elles commandent plus que d’ordinaire pour tenter de rattraper leur retard de production accumulé pendant le long confinement du printemps.
Mercredi, des embouteillages monstres s’étendaient déjà sur des kilomètres vers et depuis le port de Douvres.
Une situation qui pourrait empirer largement en cas de « no deal ».
Dans un rapport sur un « raisonnable scénario du pire » cet été, le gouvernement britannique entrevoyait des files de 7.000 camions bloqués pendant deux jours sur les routes. Il a même prévu d’énormes parkings d’urgence et des permis d’entrer dans la région du Kent, près du port de Douvres.
Jeudi, le Financial Times a même fait état d’une cellule de travail D20 – pour Décembre 2020 – consacrée aux scénarios chaotiques qui pourraient survenir après le 1er janvier, notamment une inondation des parkings d’urgence en cas de pluies hivernales diluviennes, des pannes d’électricité ou des pénuries de carburants.
D’après le FT, le ministre des Transports Grant Shapps a loué des ferrys d’urgence pour faire face aux blocages routiers pour six mois, pour 77 millions de livres.
– Période de grâce –
Sans accord commercial entre Bruxelles et Londres, dès le 1er janvier, les règles de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) s’appliqueront sur les échanges de biens entre le Royaume-Uni et l’Union européenne.
Cela signifie que de nombreuses catégories de produits seront soumis à des droits de douanes, potentiellement des quotas, et à des formalités administratives qui n’existaient pas dans le cadre du marché unique.
Chaque camion qui ne serait pas exactement en règle occasionnera un retard de passage de quelques minutes, et l’effet d’accumulation risque de se traduire par des files interminables aux abords des douanes.
De quoi bousculer les chaînes d’approvisionnement rodées, notamment l’automobile, où la production est éclatée à travers l’Europe, et repose sur des stocks de pièces détachées minimales pour réduire les coûts.
Tout retard menace de déboucher en goulet d’étranglement. En témoigne le constructeur japonais Honda, qui a suspendu depuis mercredi la production de son usine de Swindon faute d’un nombre suffisant de pièces détachées, et espère la reprendre lundi.
Pour James Sigley, qui cite une étude de la FSB auprès de ses membres, environ un tiers des petites et moyennes entreprises seulement se disent prêtes pour le Brexit.
L’inquiétude commence aussi à monter chez les habitants du Royaume-Uni face à la perspective de pénuries de nourriture.
Interrogé par des journalistes jeudi sur l’opportunité de faire des stocks de victuailles, un porte-parole gouvernemental s’est voulu rassurant: « nous avons une chaîne d’approvisionnement résiliente ».
A propos du D20, il a ajouté: « nous faisons des préparatifs en vue de différents scénarios (…) avec la fin de la période de transition et sur les pressions auxquelles nous pourrions être confrontés d’ici la fin d’hiver ».
Le CBI, l’association patronale britannique, appelle pour sa part à « une période de grâce sur les règles d’origine, les étiquetages de produits et la mise en place des contrôles frontaliers ».