Vous assistiez à ce sommet, quelle en était l’atmosphère et qu’y avez-vous fait ?
Le sommet des peuples a été sans doute plus intéressant que le sommet officiel. Plus de 300 mille personnes ont participé aux événements proposés par la société civile. Pour débattre et créer de la visibilité autour de l’agenda bleu, nous avons organisé (Tara, France Libertés et d’autres partenaires locaux) un pavillon bleu, espace ouvert entièrement consacré aux agendas de l’eau et des océans. Je voudrais aussi saluer l’initiative des « Rio Dialogues » animés par l’équipe de Brice Lalonde même s’ils sont restés confidentiels, ce processus démocratique online est sans doute l’avenir de la prise en compte de l’avis de la société civile.
Comment a été ressentie l’absence de quelques grands pays et comment faut-il l’interpréter ?
Depuis deux ans, le non-engagement des Etats-Unis était un fait, le contexte de campagne électorale rendant difficile tout engagement. Nous savions aussi que depuis 2008 les grands pays européens sont plus préoccupés par la crise économique et que le climat social ne laisse pas de place à autre chose que le débat sur le travail et la croissance. Plus surprenant a été la position du Brésil, à la fois coincé dans le G77 et bloqué par les BRICS (le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud), qui a essayé sans succès de jouer le pays hôte « neutre » pendant des mois. A la fin, il s’est décidé à faire le « rouleau compresseur » pendant trois jours pour faire approuver un texte a minima qui a sauvé à peine les apparences du sommet. Au sujet des Océans et de la volonté affichée du Brésil pour en faire avancer l’enjeu, il faut croire que l’opposition de quelques pays autour des Etats-Unis, comme le Canada, la Russie, le Japon et même le Venezuela, ont eu raison de cette première volonté.
Quel rôle y a joué la France ? pour quel message et quelle action ?
La France a joué un rôle important pour la question des océans, moins par l’engagement du gouvernement que par la force de ses scientifiques et à travers des bonnes initiatives de coopération internationale. Les efforts développés par l’ambassadeur pour l’environnement Jean-Pierre Thébault et la délégation pour faire avancer l’UNCLOS (Convention sur le droit de la mer) méritent d’être salués. La société civile française aussi a joué un rôle important pour l’agenda des océans, avec plusieurs événements et débats : le lancement du film Planète Océan de Yann Arthus BertrandMichael Pitiot, une exposition autour du film « Océans » de Jacques Perrin, le « Pavillon Bleu » au Sommet des Peuples, une campagne Océans piloté par Tara avec le journal brésilien O Globo…
Sur quelle ligne se situe l’équipe de Tara, entre sanctuarisation, préservation ou gestion durable des océans ?
Tara exprime une vision très humaniste de ses fondateurs, Etienne Bourgois et agnès b, sans doute plus proche des positions cherchant à trouver l’engagement et la responsabilité de notre société vers une gestion durable des ressources et donc de l’Océan. L’éducation des jeunes générations est dans ce sens un des objectifs principaux de Tara et un souhait personnel d’agnès b. pour tous les projets Tara.
Tara participe à une nouvelle structure baptisée Alliance pour les Mers et les Océans. Qui en sont les acteurs et pour quel objectif ?
Nous avons participé le 16 juin à la Journée des Océans organisée par le Forum Mondial des Océans. 375 personnes venant de 169 organisations, originaires de 46 pays, ont participé à cette journée soulignant l’importance des océans, des côtes et des Petits Etats Insulaires en Développement dans le développement durable. C’est à la suite de cette journée que nous avons créé l’Alliance pour les Mers et les Océans avec Nausicaa, Green Cross, Sea Orbiter et World Ocean Network.
Nous faisons partie de ceux qui pensent que la valorisation du potentiel des mers et océans est une solution d’avenir pour nos sociétés. Nous agissons pour une nouvelle société qui repose sur une exploitation pérenne des ressources de la mer et qui ouvre l’accès à de nouvelles richesses, à de nouvelles économies et à de nouveaux emplois. Cette exploitation repose sur les échanges et le partage d’expériences, la prise en compte des savoir-faire traditionnels mais également sur un investissement massif dans la recherche, l’innovation et le développement de nouvelles technologies associées à une restauration et un maintien des milieux marins en bon état.
C’est une dynamique, économique, sociale, environnementale et culturelle que nous souhaitons impulser. Chacun pourra s’approprier cette nouvelle société et la développer sereinement. Ses richesses seront équitablement accessibles à tous à travers le monde sur la base de nouvelles règles de partage, pour les générations d’aujourd’hui et de demain. Nous appelons cette nouvelle société la « Blue Society ».
La France, vous et nous, avons une responsabilité particulière possédant le deuxième domaine public maritime mondial que constitue l’Archipel France avec l’Outre-Mer. Certains diront que c’est irréaliste. Nous pensons au contraire que les rêveurs sont ceux qui veulent continuer à suivre le modèle actuel. Au-delà d’une économie bleue, il s’agit d’inventer un nouveau modèle de société et de progrès.
Quels sont les projets de Tara, la goélette ?
Continuer sans relâche, avec Etienne Bourgois et l’équipe Tara, à promouvoir les enjeux des océans à tous les niveaux de la société et par tous les moyens. Et puis c’est l’appel du Nord… Nous vous embarquerons, en mai 2013, dans le Grand Nord en train de subir une rude et rapide évolution. Tara tentera d’effectuer le tour de l’Océan Arctique par les passages du Nord Est et du Nord Ouest si la glace et la conjoncture le permet… Ce sera l’occasion d’étudier la microbiologie marine arctique comme nous l’avons fait lors de Tara Océans, d’ajouter de nouveaux programmes de recherche spécifiques à cette région, sur l’océanographie polaire, les particules de plastique ou sur les traces de polluants par exemple. Bien sûr, nous partagerons l’aventure avec vous, tout en abordant les sujets d’actualité de cette région si inhospitalière et si fascinante à la fois. 2014 est encore loin mais Tara poursuivra sa route vers les récifs coralliens du Pacifique avec une équipe mixte de scientifiques, de marins et de cinéastes. Nous en sommes déjà à en définir les contours et à monter son financement.
Enfin, nous entendons bien préparer une nouvelle dérive arctique qui débuterait mi-2016 au départ de l’Asie en passant cette fois par le détroit de Béring pour rejoindre la glace. Notre dérive polaire de 2006, dans le cadre du projet Damoclès de la Commission Européenne, a suscité beaucoup d’intérêts de la part de la communauté scientifique dans le monde entier.
Pour plus d’informations : www.taraexpeditions.org