De 2008 à 2012, le Bureau Maritime International a constaté une augmentation significative du nombre d’attaques dans le Golfe d’Aden et au large de la Somalie[1]. Progressivement, le rayon d’action des pirates s’est considérablement élargi et les attaques sont devenues de plus en plus violentes, perpétrées sur tous types de navires (navires citernes, porte-conteneurs, navires à passagers, vraquiers, navires de pêche, navires de service, et navires de plaisance).
Les principales zones à risque identifiées par les armateurs sont localisées aux abords des côtes africaines. Le Golfe d’Aden est la zone la plus sensible, en raison de sa position géostratégique : il constitue le passage obligé vers le canal de Suez pour 15% du pétrole mondial et pour l’intégralité des échanges conteneurisés entre l’Europe et la Chine.
Plus récemment, une recrudescence d’actes de piraterie a été constatée aux alentours du Golfe de Guinée : le risque de piraterie dans cette zone prend de l’ampleur de semaine en semaine, et les modes opératoires des pirates sont également en pleine mutation, passant d’attaques ciblées à des attaques multiples, d’une extrême violence.
La piraterie entrave les routes maritimes et requiert des armateurs des dépenses supplémentaires considérables (assurance, gestion des attaques, primes aux équipages, déroutement), afin d’assurer la sécurité de leurs équipages, de la flotte et des marchandises acheminées. De ce fait, elle n’impacte pas seulement le transport maritime, mais constitue un péril pour l’intégralité du commerce mondial et pour la sécurité des approvisionnements. Rappelons en effet que 90% des échanges mondiaux se font par voie maritime.
Mais au-delà de ces considérations financières et matérielles, le principal enjeu pour le monde armateurial français consiste à assurer la sécurité de ses équipages. C’est pourquoi les armateurs demandent avec vigueur une modification urgente de la législation française, la France étant désormais le seul pays d’Europe qui n’autorise pas le déploiement d’équipes de sécurité privées à bord des navires battant son pavillon national[2]. Cet état de fait met gravement en péril, non seulement les navires et les équipages, mais également la compétitivité du pavillon français.
Les armateurs sont responsables de la sécurité de leurs équipages
La responsabilité civile et pénale des armateurs peut être recherchée en cas d’incident. L’armateur employeur fait face à un dilemme juridique insoluble : soit il manque à son devoir de sécurité à l’égard de ses marins, soit, il contrevient, à ses risques et périls, à la règlementation actuelle, qui interdit l’emport d’armes à bord des navires battant pavillon français.
Au civil
En cas de dommages subis par les équipages, les armateurs, en leur qualité d’employeurs, pourraient se voir reprocher le fait d’avoir laissé naviguer leurs équipages dans des zones à risques sans protection en toute connaissance de cause.
Le fondement juridique de cette responsabilité est l’obligation de sécurité prévue par les articles 4121-1 et suivants du code du travail, ainsi que par l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale[3]. Il s’agit d’une obligation de résultat.
Ce principe est confirmé par la jurisprudence qui précise que le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû prendre la mesure du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
Une illustration de ce principe d’obligation de résultat de sécurité est donnée par l’arrêt de la CA de Rennes du 24 octobre 2007. A l’origine de cette jurisprudence : une action des ayants droits des victimes de l’attentat de Karachi en 2002. La Cour a décidé, pour retenir la faute inexcusable de l’employeur, qu’« il appartenait à l’employeur … des salariés concernés, qui ne pouvait ignorer les dangers qu’ils courraient en raison des menaces d’attentat existant en 2002 à Karachi, de veiller à ce que les mesures édictées soient strictement appliquées, au besoin renforcées, ceci en application des dispositions de l’article L 452-1 du Code de la Sécurité Sociale et de la jurisprudence de la Cour de Cassation, qui impose à l’employeur, lié à son salarié par un contrat de travail, une obligation de sécurité de résultat envers celui-ci ».
Au pénal
Au-delà de cette responsabilité civile, la responsabilité pénale de l’armateur peut être recherchée, en particulier sur le fondement de l’article 121-3 du code pénal[4] relatif aux délits non intentionnels.
Ces dispositions procèdent d’une logique assez simple : le degré de gravité de la faute constitutive du délit doit être fonction du caractère plus ou moins direct du lien de causalité entre cette faute et le dommage. Lorsque le lien est direct, une faute simple suffit. Lorsqu’il est indirect, une faute d’une certaine gravité, dite souvent « qualifiée », doit être établie.
Le quatrième alinéa de l’article 121-3, du Code pénal définit ainsi la faute « qualifiée» : « les personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter, sont responsables pénalement s’il est établi qu’elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer ».
Conscients de leur responsabilité morale et juridique, les armateurs ont donc multiplié des moyens de prévenir les actes de piraterie.
L’autodéfense : les moyens de prévention déployés par les armateurs
Les armateurs se sont rapidement organisés pour prévenir les actes de piraterie. Les « bonnes pratiques », ou Best Management Practices (BMP), préparées par la Fédération internationale des armateurs[5] et validées par l’OMI, en sont l’exemple le plus connu et le plus abouti. Elles présentent un ensemble complet de mesures qui peuvent être prises à bord des navires en toutes circonstances pour prévenir les attaques ou, quand elles se produisent, en réduire au minimum les risques pour l’équipage et pour le navire :
- Mise en œuvre de procédure de risk assessement au niveau de la compagnie et au niveau du capitaine.
- Mise en place des mesures passives et non létales de nature à empêcher physiquement l’accès à bord du navire (fermeture des accès, pose de fil barbelé…).
- Signalements volontaires de la présence du navire dans la zone à risque et reporting réguliers durant le transit auprès de centres dédiés par les autorités publiques,
- Formation des équipages,
- Vitesse élevée lors du passage des zones à risques,
Les armateurs français appliquent minutieusement ces BMP, en formant leurs équipages, en équipant matériellement leurs navires pour parer les attaques, en mettant en place des procédures de sécurité adéquates, et en collaborant avec les autorités militaires. Régulièrement mises à jour, ces BMP en sont actuellement à la version n°4.
Outre ces moyens de protection mis en place, les armateurs ont recours au soutien étatique.
L’intervention de l’Etat régalien
La protection des personnes et des biens relève en premier lieu de l’Etat dans son rôle de protecteur des libertés fondamentales[6], de garant de la sécurité en mer[7] et de l’exercice de la liberté de navigation[8].
C’est dans ce contexte juridique que la France a été à l’avant-garde de la lutte contre la piraterie.
Le contrôle naval volontaire
Résultant d’un accord librement négocié entre la Marine Nationale et la Marine Marchande, le contrôle naval volontaire comprend :
- la signalisation de leurs mouvements et intentions par les capitaines de navire de commerce pour permettre le meilleur suivi de leur position ;
- la diffusion aux capitaines d’informations relatives à la situation nautique et militaire dans leur zone de navigation, ainsi que de directives pour les routes à suivre et le comportement à adopter.
Atalante et l’action des forces navales
Alors qu’elle présidait l’Union Européenne, la France a œuvré dès 2008 pour la mise en place d’Atalante, première opération navale menée dans le cadre de la politique européenne de sécurité et de défenses (PESD). 8 Etats membres positionnent en permanence des moyens (Italie, Pays-Bas, Allemagne, France, Espagne, Belgique, Luxembourg, Grèce). La dernière reconduction de l’opération court jusqu‘en décembre 2014.
Au-delà, la recrudescence de la piraterie dans l’océan indien a conduit à une mobilisation sans précédent de la communauté internationale dans la lutte contre la piraterie (bâtiments de guerre de diverses nationalités, task force 151 de l’OTAN…). Le Conseil de sécurité de l’ONU a accompagné cet effort par de nombreuses résolutions (1814, 1816, 1838, 1846).
Les Equipes de protection embarquées (EPE)
Outre ces soutiens, les navires battant pavillon français peuvent bénéficier de la mise à disposition par la Marine nationale, d’équipes militaires de protection embarquées (EPE) à bord des navires. Les armateurs prennent à leur charge les frais d’acheminement des militaires et de leurs armes, ainsi que le paiement de leurs primes.
Les armateurs français ont salué à de multiples reprises la qualité de la coopération développée depuis 2008 avec les forces armées françaises.
La combinaison de ces différentes actions (contrôle naval volontaire, engagement des forces navales, EPE) et l’application stricte par les armateurs des BMP expliquent la baisse du nombre d’actes de piraterie constaté en 2012 dans le Golfe d’Aden et au large de la Somalie.
Les limites actuelles des équipes de protection militaire
Ces résultats ne doivent pas masquer les difficultés rencontrées aujourd’hui par les armateurs.
Tout d’abord, le Ministère de la défense requiert des délais de prévenance qui ne sont pas toujours compatibles avec les impératifs commerciaux de la navigation de commerce, notamment en cas d’affrètement au spot. Ces délais tiennent avant tout aux obligations administratives et diplomatiques qui pèsent sur les forces armées. Par exemple, l’acheminement des armes a pu poser, dans certains pays, de réelles difficultés diplomatiques.
L’élargissement de la zone « pirate » nécessite par ailleurs d’embarquer ou de débarquer les équipes en différents points d’entrée (Inde, Africain de l’Est et australe) occasionnant des problèmes logistiques pour la Marine nationale, alors que les sociétés privées, déjà positionnées sur zone, ont l’avantage de la réactivité et de la disponibilité.
Ensuite, les critères de vulnérabilité (navires lents, bas sur l’eau) que la Marine a adoptés pour l’embarquement d’EPE ne recouvrent pas ceux fixés par les assureurs ou par les clients, notamment pour le transport des produits pétroliers.
Enfin, l’apparition de nouvelles zones de piraterie, au large notamment du Nigéria et dans le Golfe de Guinée, pose la question de la réactivité et de l’élasticité du dispositif : dans des zones où des EPE ne sont pas aujourd’hui disponibles, les armateurs ont besoin d’une solution de repli.
Ainsi, s’agissant des armateurs au commerce[9], 1 demande sur 3 ne peut malheureusement pas être honorée[10].
En conséquence, lorsque le recours aux équipes militaires n’est pas possible, les armateurs français souhaitent pouvoir embarquer des gardes privés.
Une menace pour la compétitivité des entreprises françaises
Dans un premier temps, les armateurs français et leurs équipages ont manifesté leurs réticences à l’égard des sociétés privées de protection car leur présence à bord pouvait inquiéter. Mais devant l’élargissement constant de la zone d’activité des pirates en Somalie, de la montée de la violence et de l’impossibilité du recours systématique aux EPE, chacun a admis leur besoin de recours aux entreprises (privées) de services de sécurité et de défense (ESSD).
Les retours d’expérience sur la flotte contrôlée (navires appartenant à une société française mais navigant sous pavillon autre que français) et dans les autres Etats membres de l’Union européenne ont surtout montré que l’emploi de sociétés privées, dès lors qu’elles faisaient l’objet d’un contrôle adéquat, ne posait pas de difficulté majeure et pouvait parfaitement s’inscrire dans un cadre de cohabitation apaisée avec les équipages.
Progressivement, la protection est devenue un élément de la compétitivité du pavillon sur un marché du transport maritime qui est entièrement mondialisé : si elle n’est pas assurée en continue, ou simplement susceptible de ne pas l’être, le client préfère faire appel à un concurrent, sous un pavillon autre que français, quand ce n’est pas l’assureur qui refuse de couvrir la cargaison et empêche ainsi la transaction. Les équipages eux-mêmes sont inquiets de cette évolution et, par l’intermédiaire de leurs syndicats, demandent que le navire puisse être protégé en toute circonstance, que ce soit par une équipe militaire ou des par des gardes privés, sous peine de faire valoir leur droit de retrait.
L’attractivité du pavillon français est en jeu :
- les affréteurs privilégient aujourd’hui des navires battant un pavillon autorisant l’embarquement des ESSD,
- les assureurs refusent leur couverture aux navires français se rendant dans des zones à risques sans garantie d’une protection continue : l’aléa d’un refus d’EPE par la Marine Nationale, qu’elles qu’en soient les raisons légitimes, devient ainsi un handicap inacceptable.
Récemment, un grand groupe européen a ainsi interdit certains trades au pavillon français sous prétexte que ce dernier n’était pas en mesure de garantir que le navire serait protégé en continu dans les zones à risque.
Dans ce contexte, les armateurs de navires battant pavillon français demandent aujourd’hui à pouvoir embarquer des gardes privés, ce qui leur est refusé. Pourtant, un à un, les grands Etats européens, de l’Allemagne au Royaume-Uni en passant par l’Italie, ont décidé d’autoriser la protection privée armée à bord des navires battant leur pavillon.
La France reste seule et les armateurs français, dans un contexte économique difficile, sont condamnés à un choix impossible : renoncer à être présent sur le marché international ou renoncer à leur pavillon.
Le droit positif ne permet pas le recours aux ESSD
En l’état actuel du droit, le recours aux gardes privés n’est pas autorisé même s’il n’est pas expressément interdit.
Les ESSD ne sont pas expressément visées par les textes sur la surveillance privée
Le code de la sécurité intérieure[11] qui réglemente les activités privées de surveillance des biens et des personnes s’applique :
- aux services ayant pour objet la surveillance humaine ou la surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou le gardiennage de biens meubles ou immeubles ainsi que la sécurité des personnes se trouvant dans ces immeubles (art. L.611-1 point 1 du code de la sécurité intérieure) ;
- aux services visant à protéger l’intégrité physique des personnes (art. L.611-1 point 3 du code de la sécurité intérieure).
Les sociétés de surveillance sont agréées et les employés doivent satisfaire un certain nombre de conditions.
Les modalités de contrôle et les sanctions pénales pour les manquements aux obligations posées sont également prévues.
Le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS), établissement public est chargé de délivrer les agréments et de contrôler les activités.
Considérant que le navire devrait être une extension du territoire national, les armateurs ont initialement plaidé pour l’application de ces dispositions au transport maritime. Mais les pouvoirs publics considèrent que ces dispositions ne sont applicables que sur le territoire français. Or le Conseil Constitutionnel, dans une décisiondu 28 avril 2005 relative à la loi n° 2005-412 du 3 mai 2005 relative à la création du Registre International Français a décidé « qu’il résulte des règles actuelles du droit de la mer qu’un navire battant pavillon français ne peut être regardé comme constituant une portion du territoire français ».
Et, même si les règles applicables en France à la surveillance privée étaient applicables aux sociétés de protection privées embarquées à bord des navires, la réglementation sur la détention et l’usage d’armes ne prévoit pas expressément d’autorisation pour les équipes de protection à bord des navires battant pavillon français.
La détention et l’usage des armes sont interdits, sauf autorisation spécifique
Il résulte du code de la défense[12] que « l’acquisition et la détention des matériels de guerre, des armes et des munitions par les personnes autres que les entreprises de fabrication et de commerce, sont régies par les dispositions du chapitre II du titre Ier du livre III du code de la sécurité intérieure ».
- L’article L. 312-1 du code de la sécurité intérieure précise que l’acquisition et la détention des matériels de guerre, des armes et des munitions des 1re et 4e catégories (celles utilisées pour la défense des navires) sont interdites pour les personnes autres que celles qui les fabriquent ou en font commerce, sauf autorisation délivrée dans les conditions définies par décret en Conseil d’Etat.
- Le décret 95-589 du 6 mai 1995 fixant le régime des matériels de guerre et des munitions prévoit, en son article 23 qu’il est nécessaire d’avoir une autorisation spécifique pour l’acquisition et la détention des armes des 4 premières catégories.
- L’article 26 de ce décret confirme que les convoyeurs de fonds ou les « entreprises qui se trouvent dans l’obligation d’assurer la sécurité de leurs biens ou le gardiennage de leur immeubles » peuvent acquérir et détenir des armes et munitions.
La détention d’armes à bord des navires n’est pas expressément visée par ces textes et la réglementation internationale renvoie à la seule compétence de l’Etat. Le code ISPS[13] renvoie ainsi à la réglementation de l’Etat du pavillon[14].
En conséquence, la détention et, a fortiori, l’usage d’armes à bord de navires battant pavillon français n’est pas autorisée à ce jour. Le recours aux ESSD n’est donc pas envisageable à bord de navires battant pavillon français.
Un texte dédié est donc nécessaire
Il est donc impératif de prévoir une loi, à l’image de celui prévu pour les convoyeurs de fonds, applicable à bord des navires sous pavillon français.
A l’instar de ce qui existe sur le territoire domestique, ce texte devra :
- clarifier les règles relatives à l’emport et l’usage d’armes à feu ;
- fixer des critères et des conditions pour la formation et l’habilitation des équipes privées : un certificat d’aptitude à l’exercice des fonctions d’agent de sécurité embarqué pour tous les personnels de l’équipe, un certificat complémentaire d’aptitude pour le chef d’équipe.
- confier à un organisme public le soin d’agréer les entreprises privées de services de sécurité et de défense (ESSD) et de délivrer les certificats d’aptitude des agents.
- prévoir les modalités du contrôle de ces sociétés afin de s’assurer du respect des textes, des obligations de formation et d’évaluation des compétences.
Si ces éléments pratiques sont fondamentaux, ils doivent également conduire à une réflexion plus juridique sur les rôles respectifs du capitaine et du chef d’équipe.
L’émergence des gardes privées a conduit les armateurs à échanger, au sein de leur Fédération internationale, l’ICS, sur les règles d’emploi de la force à bord des navires.
Alors que les pays de tradition anglo-saxonne privilégiaient le rôle du chef d’équipe (teamleader) dans l’appréciation de la menace et l’engagement de la force, les armateurs français ont quant à eux défendu le rôle du capitaine[15].
Le nouveau dispositif français devra donc associer le capitaine à l’appréciation de la menace et à la prise de décision à chaque étape.
D’ores et déjà, la Marine Nationale a proposé une convention en cas de recours aux EPE afin de déterminer les responsabilités et les rôles respectifs de ses équipes, du commandant et de l’équipage. Elle pourra servir de base au travail futur du pouvoir législatif et réglementaire.
Grâce à la mise en œuvre des Equipes de Protection Embarquées de la Marine Nationale, la France a longtemps bénéficié d’un avantage concurrentiel par rapport à d’autres pavillons.
Aujourd’hui, un nouveau pas doit être franchi pour permettre l’embarquement de gardes privés à bord des navires battant pavillon français, dans tous les cas où la Marine Nationale ne peut répondre rapidement et efficacement aux demandes des armateurs.
Il est urgent d’agir car l’inertie des pouvoirs publics, depuis plusieurs mois, profite à nos concurrents et menace la compétitivité du pavillon français.
Le Ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, et le Ministre chargé des transports et de la mer, Frédéric Cuvillier, ont récemment pris position pour qu’une loi intervienne rapidement.
Il convient maintenant de passer de la parole aux actes. C’est à cette condition seulement que pourront être sauvegardées l’activité et l’emploi maritimes en France.
[1] 293 attaques en 2008, 410 attaques en 2009, 415 en 2010, 439 en 2011. Le nombre d’attaques a diminué en 2012 avec 297 attaques.
De janvier à Mars 2013, on dénombre 66 attaques.
[2] Depuis que les Pays-Bas ont annoncé, il y a un mois, leur volonté de prendre des dispositions réglementaires pour autoriser à leur tour les gardes privés.
[3] L’article L.452-1 du code de la sécurité énonce : « Lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants. »
[4] Article 121-3 du code pénal, alinéas 1, 2 et 3 : « Il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre.Toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de de mise en danger délibérée de la personne autrui. Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait. »
[5] International Chamber of Shipping (ICS)
[6] Ainsi, l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui fait partie du bloc de constitutionnalité, proclame le droit à la liberté et le droit à la sûreté. De même le Conseil Constitutionnel[6]qualifiele droit à la sécurité de droit fondamental nécessaire à la sauvegarde des principes et des droits ayant valeur constitutionnelle.
[7] En application de l’article 94 de la convention de Montego Bay, «tout Etat prend à l’égard des navires battant son pavillon les mesures nécessaires pour assurer la sécurité en mer ».
[8] Notamment l’article 90 de la convention de Montego Bay : « Tout Etat, qu’il soit côtier ou sans littoral, a le droit de faire naviguer en haute mer des navires battant son pavillon ».
[9] Il faut noter que du fait de leur plus grande vulnérabilité (navire statique sur zone), les navires de pêche sont toujours prioritaires sur les navires de commerce en matière d’équipes de protection embarquées.
[10] En 2011, sur 24 demandes, on dénombre 6 refus. En 2012, sur 19 demandes, on dénombre 8 refus.
[11] Articles L. 611-1 et suivants du code de la sécurité intérieure.
[12] Notamment l’article L.2336-1 du code de la défense et les articles L. 2331-1 et suivant du code de la défense
[13] Code international pour la sûreté des navires et des installations portuaires
[14] Extrait code ISPS – « 16.7 L’emploi d’armes à feu à bord ou à proximité des navires et dans les installations portuaires peut poser des risques particuliers et notables pour la sécurité, en particulier eu égard à certaines substances dangereuses ou potentiellement dangereuses, et devrait être envisagé avec une grande prudence. Au cas où un Gouvernement contractant déciderait qu’il est nécessaire d’employer un personnel armé dans ces zones, ce Gouvernement contractant devrait veiller à ce que ce personnel soit dûment autorisé et formé à l’emploi de ces armes et connaisse les risques spécifiques qui existent dans ces zones en matière de sécurité. Si un Gouvernement contractant autorise l’emploi d’armes à feu, il devrait donner pour leur emploi des consignes de sécurité spécifiques. Le PFSP devrait contenir des recommandations spécifiques en la matière, eu égard en particulier à son application aux navires transportant des marchandises dangereuses ou potentiellement dangereuses. »
[15] L’article 34-1 de la convention SOLAS énonce :
« SOLASRègle 34-1 – Pouvoir discrétionnaire du capitaine
« Le propriétaire, l’affréteur, la compagnie qui exploite le navire, telle que définie à la règle IX/1, ni aucune autre personne, ne doit entraver le capitaine ou l’empêcher de prendre ou d’exécuter une décision quelconque qui, selon son jugement professionnel, est nécessaire pour la sauvegarde de la vie humaine en mer et la protection du milieu marin. »
(1) Administrateur des Affaires Maritimes, Eric BANEL est, depuis mai 2012, Délégué Général d’Armateurs de France, l’organisation professionnelle des entreprises françaises de transport et de services maritimes. Co-rapporteur du groupe de travail sur la politique maritime de la France en 2006, il a ensuite été le conseiller maritime de plusieurs ministres, de Dominique Bussereau à Nathalie Kosciusko-Morizet. Eric BANEL est également membre du Conseil Supérieur de la Marine Marchande et du Conseil National de la Mer et des Littoraux, Administrateur de l’Agence des Aires Marines Protégées ainsi que de l’Ecole Nationale Supérieure Maritime.
(2) Avocate de formation, Cécile BELLORD est chef de la Mission Juridique, Fiscalité et Politique sociale au sein d’Armateurs de France depuis 6 années. Elle coordonne toutes les problématiques juridiques, fiscales et assurantielles et participe à l’ensemble des dossiers stratégiques des entreprises de transport et de services maritimes tels que celui de la piraterie maritime.
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