Dans une tribune publiée mardi sur le site internet du Wall Street Journal, le ministre espagnol des Affaires étrangères José Manuel Garcia-Margallo fustige l’installation le 24 juillet d’un récif de 70 blocs de béton qui empêche l’accès des pêcheurs espagnols à une zone riche en fruits de mer dans les eaux autour de Gibraltar revendiquées par Madrid et Londres.
Les blocs de béton placés sur les fonds marins « constituent une violation des règles les plus basiques de l’environnement », accuse M. Garcia-Margallo, estimant que ces eaux « comptent pour 25% de l’activité des pêcheurs locaux ».
Affirmant que le récif va à l’encontre des directives européennes sur la protection de l’environnement, le ministère espagnol de l’Agriculture et de l’Environnement a déposé une plainte auprès de la Commission européenne le 31 juillet « contre le déversement incontrôlé de blocs de béton ».
La Commission a annoncé mardi qu’elle commençait l’examen de cette plainte qui, si elle était jugée recevable, pourrait le cas échéant entraîner une procédure d’infraction à l’encontre de Londres.
Gibraltar affirme pour sa part vouloir, avec le récif, protéger les fonds marins pour qu’ils se régénèrent.
Depuis la construction du récif, le ton est monté entre Londres et Madrid sur ce territoire stratégique aux portes de l’Afrique et les files d’attente de voitures se sont sporadiquement allongées à la frontière, Gibraltar accusant Madrid d’avoir renforcé les contrôles douaniers en signe de représailles.
« L’Espagne est prête à reprendre le dialogue. Nous sommes prêts à accepter la création de forums ad hoc dans lesquels d’autres autorités, comme le gouvernement de Gibraltar et le gouvernement régional d’Andalousie, puissent participer concernant des domaines où ils sont compétents », écrit Garcia-Margallo dans sa tribune intitulée « Nous avons besoin de parler de Gibraltar ».
« Mais comme l’a fait remarquer le chef du gouvernement (espagnol) Mariano Rajoy à son homologue (britannique) David Cameron, il est d’abord nécessaire que le Royaume-Uni montre son intention de réparer les dommages déjà causés, en particulier en retirant les blocs de bétons », a-t-il ajouté.
De son côté, l’organisation écologiste espagnole Ecologistas en Accion accuse Madrid d’utiliser « des argument environnementaux pour justifier le nouveau conflit avec Gibraltar », ajoutant que l’Espagne aussi a construit le même type de récif artificiel au sud de l’Espagne pour permettre aux fonds marins de se régénérer.
« Il en existe quelques-uns », a reconnu mardi une source du ministère de l’Agriculture, précisant qu’ils visaient à « protéger les espèces marines ». « Nous avons tenté d’éviter qu’ils soient très près de la côte pour qu’ils n’abîment pas la quille des bateaux », a-t-elle ajouté.
L’Espagne, qui a cédé ce petit territoire à l’Angleterre à l’issue d’un conflit militaire en 1713, devenu depuis un territoire abritant une base navale et de renseignement britannique, tente de le récupérer depuis des dizaines d’années et assure que les eaux territoriales lui appartiennent car elles ne figuraient pas dans le traité d’Utrecht.
« L’Espagne n’a aucun doute sur sa souveraineté sur ces eaux. Elles sont au large de l’isthme reliant Gibraltar à l’Espagne, qui n’a jamais été cédé par l’Espagne au Royaume-Uni », affirme le ministre espagnol, ce que rejette Londres.
Face à l’escalade verbale entre Londres et Madrid, l’Union européenne s’est engagée à envoyer une mission d’experts « aussi vite que possible ».