L’Ever Given délogé, la voie est libre sur le canal de Suez

Suez (Egypte), 29 mars 2021 (AFP) – Des dizaines de navires s’apprêtent dès lundi soir à emprunter le canal de Suez enfin débloqué après la remise à flot de l’Ever Given, un porte-conteneurs géant qui obstruait depuis près d’une semaine cette voie cruciale pour le commerce maritime mondial.

« L’amiral Ossama Rabie, président de l’Autorité du canal de Suez (SCA), a proclamé la reprise du trafic sur le canal », a annoncé en milieu d’après-midi la SCA dans un communiqué.

La nouvelle a levé les inquiétudes qui pesaient depuis mardi sur le commerce international –dont 10% transite par le canal–, chaque jour d’immobilisation entraînant des milliards de dollars de pertes avec plus de 400 navires bloqués, chargés de marchandises, de pétrole ou encore de bétail vivant.

Avec la « fin de cette saga », la hausse des prix du pétrole entraînée par le blocage en fin de semaine dernière « s’éloigne », à l’image du navire, a expliqué Neil Wilson, économiste pour Markets.com.

Lundi à l’aube, le navire de 400 mètres de long et de plus de 220.000 tonnes battant pavillon panaméen, avait commencé à bouger après la libération de sa poupe.

Les manoeuvres s’étaient poursuivies à l’aide de plusieurs remorqueurs, jusqu’à ce que le navire se retrouve de nouveau brièvement coincé en travers du canal, selon des sites de visualisation du trafic maritime et des témoins sur place.

Peu après 15H00, sa poupe et sa proue ont été délivrées et le navire a commencé à avancer, salué par de nombreux coups de klaxons des bateaux alentours.

– Rattraper le temps perdu –

Vers 18H30 (16H30 GMT), l’Ever Given se trouvait au milieu du Grand Lac Amer, à quelques dizaines de kilomètres au nord du lieu de son échouement, selon les sites visualisation du trafic maritime.

Il doit y être inspecté, a précisé son armateur, Evergreen Marine Corporation, basé à Taïwan, se félicitant du dégagement.

La navigation doit reprendre dans les deux sens à 20H00 (18H00 GMT), a déclaré l’amiral Rabie sur la chaîne CBC Extra. Les lieux de l’incident « n’ont pas été affectés », a-t-il ajouté.

Le responsable égyptien tiendra une conférence de presse à 20H00 (18H00 GMT) à Ismaïlia, ville située au niveau du milieu du canal.

Selon un tweet du fournisseur de service maritime Leth Agencies, « les 43 navires en attente au Grand Lac Amer ont déjà entamé leur route » vers le sud.

Selon la revue spécialisée britannique Lloyd’s List, le blocage du canal a créé un embouteillage de 425 navires qui attendaient de pouvoir franchir cette voie longue de quelque 190 km reliant la mer Rouge à la Méditerranée.

Il faudra « trois jours et demi environ » pour tout résorber, a prévenu, Ossama Rabie, ajoutant que le trafic serait possible « 24 heures sur 24 ».

L’assureur Allianz a estimé que chaque jour de blocage du canal pourrait coûter entre six et 10 milliards de dollars.

La valeur totale des biens bloqués ou devant emprunter une autre route a différé selon les estimations, oscillant entre trois et plus de 9 milliards de dollars.

Selon les autorités du canal, l’Egypte perdait entre 12 et 14 millions de dollars par jour de fermeture du canal, emprunté par près de 19.000 navires en 2020.

-« Sorti du pétrin »-

« Nous l’avons dégagé! », s’est félicitée dans un communiqué Royal Boskalis Westminster, la maison-mère de la société néerlandaise mandatée pour le sauvetage de l’Ever Given. Selon Boskalis, 30.000 mètres cube de sable ont été dragués et 13 remorqueurs déployés.

Le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi n’avait pas attendu la fin du renflouement pour se féliciter en fin de matinée d’une opération « réussie ».

« Aujourd’hui, les Egyptiens ont réussi à mettre fin à la crise du navire échoué dans le canal de Suez, malgré l’énorme complexité technique entourant ce processus », a-t-il tweeté.

Les conditions météo extrêmes –vents violents et tempêtes de sable– avaient d’abord été blâmées, avant que M. Rabie n’évoque la possibilité d' »erreurs, humaine ou technique » à l’origine de l’échouement.

Sur les lieux de l’incident, le long de la route qui traverse le modeste village de Manchiyet al-Rougoula, des riverains ont observé ébahis l’immense porte-conteneurs –devenu familier– quitter la berge.

Un père et sa famille sont montés sur le toit de leur maison en briques pour mieux regarder le spectacle. « Nous sommes contents de voir le bateau bouger, grâce à Dieu », a confié à l’AFP un habitant, sous couvert d’anonymat.

« Je suis vraiment très heureux (…) nous voici sortis d’un sacré pétrin », a déclaré fièrement à l’AFP l’ancien président de la SCA, Mohab Mamish.

Sur les réseaux sociaux, les Egyptiens ont abondamment salué la nouvelle avec de nombreux mèmes, dont le montage d’un homme représentant l’Egypte portant le navire sur ses épaules. Le blocage avait entraîné une explosion de ces images détournées de façon humoristique sur internet ces derniers jours.

Ahmed Abbas, un employé du canal, a partagé une vidéo sur Facebook accompagnée d’un commentaire: « Louange à Dieu, le navire est finalement dégagé! Bravo les gars de la SCA! ».

mon-emp/mdz

SCA – SVENSKA CELLULOSA AB

ALLIANZ

A.P. MOELLER-MAERSK

Voir les autres articles de la catégorie

ACTUALITÉS

Le Bénin et la mer

Découvrez GRATUITEMENT le numéro spécial consacré par Marine & Océans au Bénin et la mer

N° 282 en lecture gratuite

Marine & Océans vous offre exceptionnellement le numéro 282 consacré à la mission Jeanne d’Arc 2024 :
  • Une immersion dans la phase opérationnelle de la formation des officiers-élèves de l’École navale,
  • La découverte des principales escales du PHA Tonnerre et de la frégate Guépratte aux Amériques… et de leurs enjeux.
Accédez gratuitement à la version augmentée du numéro 282 réalisé en partenariat avec le Centre d’études stratégiques de la Marine et lÉcole navale

OCÉAN D'HISTOIRES

« Océan d’histoires », la nouvelle web série coanimée avec Bertrand de Lesquen, directeur du magazine Marine & Océans, à voir sur parismatch.com et sur le site de Marine & Océans en partenariat avec GTT, donne la parole à des témoins, experts ou personnalités qui confient leurs regards, leurs observations, leurs anecdotes sur ce « monde du silence » qui n’en est pas un.