Après cinq mois d’inactivité sur la mer Noire, le cargo Razoni, chargé de 26.000 tonnes de maïs ukrainien, a pris la mer lundi, entérinant l’ouverture des corridors maritimes négociés par la Russie et l’Ukraine sous l’égide de l’ONU.
Même s’il ne s’agit que d’une goutte d’eau parmi les 20 à 25 millions de tonnes de céréales à faire sortir des silos, son départ « a détendu l’atmosphère » souligne Gautier le Molgat du cabinet Agritel, entraînant un repli plus ou moins marqué des cours sur Euronext et à Chicago après une semaine de forte volatilité.
Il faut que les navires internationaux « puissent accéder aux ports de la mer Noire en toute sécurité, ce qui n’est pas encore le cas », nuance toutefois Michel Portier, directeur général d’Agritel, interrogé sur BFM Business.
« Au rythme d’un ou deux navires par semaine, ce n’est probablement pas suffisant pour intensifier la concurrence en terme d’offre », abonde Michael Zuzolo, président de la société de courtage et d’analyses Global Commodity Analytics and Consulting.
Le marché « risque de perdre confiance au premier couac », ajoute Gautier le Molgat, d’autant que de nouvelles tensions géopolitiques sont venues s’additionner mardi avec la visite de la présidente de la Chambre des représentants américaine, Nancy Pelosi, à Taïwan.
« Le marché est assurément préoccupé par le fait que les denrées alimentaires, les céréales, la viande pourraient être utilisées comme une arme politique », estime M. Zuzolo.
En effet, « si la situation se détériorait davantage, les Chinois pourraient ne pas acheter autant de soja ni même de maïs aux Etats-Unis », premier exportateur de cette denrée, explique Dewey Strickler d’Ag Watch Market Advisors.
Tous ces éléments ôtent l’appétit de risque du marché, qui baisse mais se maintient à des niveaux élevés et « se cherche », estime Damien Vercambre, courtier chez Inter-Courtage, avec toujours en toile de fond le spectre d’une récession.
– Maïs assoiffé en pleine floraison –
Les craintes liées aux vagues de chaleur et à la sécheresse ont aussi animé le marché en Europe mais aussi aux Etats-Unis, menaçant les cultures de printemps – le maïs principalement – à un moment décisif de leur croissance.
En l’absence de pluie, plusieurs pays comme la France ont été contraints d’interdire ou de limiter l’irrigation dans des dizaines de départements, avec des plants assoiffés souffrant du manque d’arrosage.
Le déficit hydrique a un effet particulièrement défavorable sur le maïs, principalement utilisé pour l’alimentation animale, qui est en pleine « phase de floraison et a besoin de beaucoup d’eau », note Michel Portier.
Mardi, la Commission européenne a revu ses estimations de production à la baisse, à 65,8 millions de tonnes de maïs contre 71,71 fin juin. La France a aussi diminué sa surface de cultures « bonnes à très bonnes » en maïs, passant de 75% à 68% sur une semaine au 25 juillet.
« Tout le monde a les yeux rivés sur les cartes météo, et le marché bouge en fonction des prévisions », résume Damien Vercambre, ce qui nourrit la volatilité à quelques jours de la clôture de l’échéance d’août 2022 pour le maïs.
Son prix, toutefois, « est plutôt à la baisse, car on arrive à trouver des alternatives » notamment via les exportations ukrainiennes, estime le courtier.
Par ailleurs, le bilan sur l’état des cultures au 31 juillet publié par l’USDA s’est avéré légèrement meilleur que prévu: il s’améliore notamment sur le soja, qui menaçait de se dégrader sous l’effet de la chaleur, et pour le blé, avec une récolte américaine qui sera supérieure à la moyenne sans être record.
Sur Euronext, vers 14H00 GMT mercredi, le blé tendre se vendait à 338,75 euros la tonne pour livraison en septembre et le maïs à 340 euros pour août. Le colza s’échangeait à 657,25 euros pour la même échéance.
A la Bourse de Chicago, peu avant l’ouverture, le prix du blé de variété SRW cotait 7,8825 dollars le boisseau et le maïs 5,9500 dollars pour des livraisons en septembre. Le soja s’affichait à 15,8050 dollars.
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