Le One Planet-Polar Summit qui a réuni pour la première fois des experts et des dirigeants de plus de quarante nations glaciaires et polaires, vient de conclure avec un panel de haut niveau convoqué par le Président Macron, aboutissant à l’Appel de Paris pour les glaciers et les pôles. Cet appel vise à répondre à la perte dramatique et accélérée de la glace dans les régions polaires et les hautes montagnes due à la crise climatique.
Formellement appelées la cryosphère, ces régions glaciaires couvrent 10 % de la surface de la Terre, englobant neige, calottes glaciaires, glaciers, banquises et pergélisol. Elles jouent un rôle vital dans le fonctionnement de la planète en fournissant de l’eau douce, des habitats pour la faune, en régulant les températures, tout en ayant une signification culturelle et spirituelle. Cependant, la glace fond à un rythme alarmant en raison de l’augmentation des températures, entraînant des conséquences dévastatrices pour les populations et la faune.
En collaboration avec la France, les dirigeants présents à la réunion, notamment de la Chine, de l’Allemagne, de l’Inde, de la Norvège et de l’Australie, ont annoncé plusieurs initiatives liées aux régions glaciaires et polaires, dont l’engagement en faveur d’une coopération scientifique renforcée pour comprendre et répondre à la fonte des glaces, comme le lancement d’un important projet de recherche en Antarctique de l’Est, le lancement d’une décennie de science polaire et glaciaire en 2025, et l’intensification des efforts internationaux pour atteindre les objectifs et engagements climatiques et de biodiversité.
« Ce sommet a souligné l’urgence d’une action politique pour la cryosphère : les scientifiques et les détenteurs de connaissances traditionnelles ont partagé leurs résultats ; les explorateurs, la société civile, les peuples autochtones et les communautés locales ont utilisé leur voix pour sensibiliser à la crise. Maintenant, l’étape suivante est claire – nous avons besoin de politiques audacieuses de la part des décideurs et d’une action politique des dirigeants pour donner la priorité à la cryosphère », a déclaré Pascal Lamy, co-président d’Antarctica2020 et rapporteur général du Sommet One Planet-Polar.
Les recommandations des scientifiques et des ONG ont souligné la nécessité urgente de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre et d’éliminer les investissements dans les énergies fossiles pour limiter le réchauffement mondial à 1,5 °C. Cependant, il a été reconnu que même ces mesures pourraient ne pas suffire à stopper la perte de glace. Parallèlement, la protection et la précaution sur terre et en mer doivent être accélérées pour alléger la pression sur les écosystèmes et les espèces dues aux activités humaines. Le financement adéquat constituait une autre demande clé pour stimuler la recherche scientifique et la collaboration internationale afin de mieux comprendre, prédire et répondre aux impacts et aux risques accélérés de la disparition de la cryosphère. De nombreux participants se sont en effet alarmés de la « fonte des budgets de recherche » actuelle.
« Nous avons entendu des statistiques extrêmement inquiétantes de la part des scientifiques et des témoignages déchirants de la part des peuples autochtones dont les foyers, les moyens de subsistance, la culture et même les vies sont menacés par les impacts de la fonte rapide des glaces. En même temps, il y avait un message d’espoir. Si nous nous rassemblons, nous avons encore une petite fenêtre d’opportunité pour tirer le meilleur parti d’une situation difficile. Les experts mondiaux ont donné une feuille de route pour l’action sur la cryosphère. Nous avons maintenant besoin du courage politique des dirigeants pour la mettre en œuvre », a déclaré Geneviève Pons, directrice générale et vice-présidente d’Europe Jacques Delors, co-présidente d’Antarctica 2020, et modératrice des sessions des ONG lors du Sommet.
La frustration monte face au manque de progrès dans la protection de l’Antarctique et de ses eaux au sein de l’organisme responsable – la Commission pour la conservation des ressources marines vivantes de l’Antarctique (CCAMLR), malgré une année de températures extrêmes dans la région, avec la banquise antarctique à un niveau record et l’arrivée récente de la grippe aviaire sur le continent.
« On ne peut pas négocier le point de fusion de l’eau, ce qui signifie que chaque dixième de degré de réchauffement au-dessus de 1,5°C aura d’énormes impacts sur la glace de l’Antarctique. Nous avons besoin d’une action urgente en matière de climat et de biodiversité pour faire face à cette tragédie en cours, y compris en donnant la priorité à la diplomatie de haut niveau pour débloquer la protection marine au sein de la CCAMLR dès que possible. Nous espérons que cet appel de Paris soit un tournant pour l’action sur la cryosphère. La prochaine Conférence sur le climat à Dubaï dans quelques semaines et la 3ème Conférence des Nations unies sur les océans en France en 2025 constitueront un bon test de la détermination des dirigeants à sauver la glace de notre planète », a déclaré Jim Barnes, fondateur de l’Antarctica and Southern Ocean Coalition.
« Cet engagement de la France témoigne d’une véritable prise de conscience quant à l’importance d’acquérir de nouvelles données sur la biodiversité dans cette région marine Est Antarctique. Il est crucial d’intensifier les recherches. Cette annonce du Président suscite un formidable espoir pour la collaboration scientifique » a déclaré Guillaume Massé, CNRS – MNHN, Chargé de Recherche en océanographie polaire.
ASOC: La Coalition pour l’Antarctique et l’océan Austral (ASOC) est une coalition d’organisations de conservation du monde entier qui défend l’intégrité des écosystèmes de l’Antarctique et de l’océan Austral contre les activités humaines destructrices. Elle a pour mission de protéger les écosystèmes uniques et vulnérables de l’Antarctique et de l’océan Austral en exprimant d’une seule et même voix le point de vue des ONG
CCAMLR: La Commission pour la conservation des ressources marines vivantes de l’Antarctique (CCAMLR) a été créée dans le cadre du système du Traité antarctique pour préserver la biodiversité de l’océan Austral. La CCAMLR est une organisation basée sur le consensus composée de 27 membres, dont l’UE et huit de ses États membres. Le mandat de la CCAMLR comprend la gestion des pêches basée sur l’approche écosystémique, la protection de la nature antarctique et la création de vastes zones marines protégées permettant à l’océan d’augmenter sa résilience aux changements climatiques. En 2009, les pays membres de la CCAMLR ont commencé à s’acquitter de leurs responsabilités pour établir un réseau d’AMP dans tout l’océan Austral et ont créé la première AMP en haute mer sur le plateau sud des îles Orcades du Sud. En 2016, la plus grande AMP du monde a été établie en mer de Ross (proposée par les États-Unis et la Nouvelle-Zélande; 2,02 millions de km2).
Actuellement, trois propositions visent à créer de nouvelles AMP (Aires Marines Protégées) dans l’océan Austral. Deux sont proposées par l’UE et ses États membres, en collaboration avec l’Australie, la Norvège, l’Uruguay, les États-Unis, le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande, l’Inde, la Corée du Sud et l’Ukraine : l’Est de l’Antarctique avec 0,95 million de km2, la mer de Weddell avec 2,18 millions de km2, et la péninsule Antarctique : de l’Argentine et du Chili, soit environ 0,65 million de km2.
La protection de ces trois grandes zones sécuriserait près de 4 millions de km2 de l’océan Antarctique. Cela représente approximativement la taille de l’UE et équivaut à 1% de l’océan mondial. Prise dans son ensemble, elle constituerait la plus grande action de protection de l’océan de l’histoire.
Source : Antarctica2020.
Crédits photo : John Weller.