Une poignée de soldats du feu s’avance, lance à la main, aspergeant les arbres fumants.
« On a presque circonscrit le feu », explique le capitaine Karim Chérif en désignant le bas-côté de la route. « Il n’y a que des résidus ». Mais en cette saison sèche, les incendies se multiplient dans l’île de l’océan Indien.
Sur 374 km³, Mayotte a vu partir en fumée « 30 hectares à Combani (centre) au début du mois d’août, dix autres dans la commune voisine de Ouangani et désormais, au moins trois qui ont brûlé à Ironi Bé », détaille le commandant Yoann Baillon, chef du groupement Gestion des risques au service départemental d’incendie et de secours (SDIS).
Le dernier incendie remonte à mardi matin.
« Ici, un feu de végétation consomme beaucoup d’éléments: il y a du bambou, des herbes sèches, des arbres assez conséquents. C’est très difficile de l’éteindre », souffle le capitaine Chérif, qui soupçonne un départ du feu lié à « un brûlis ».
La grande majorité des départs de feu provient de cultures sur brûlis « qui échappent au contrôle des agriculteurs », estime le commandant Baillon. Ces mises à feu, interdites mais répandues sur l’île où l’agriculture vivrière reste essentielle, consistent à nettoyer une parcelle en y mettant le feu.
« Les brûlis permettent de libérer les minéraux contenus dans le sol. Les premiers mois, cela rend le terrain très fertile », explique Houlam Chamssidine, vice-président de Mayotte Nature Environnement. Mais à moyen terme, la pratique appauvrit les sols. « Les terres se transforment en zones déforestées où plus rien ne pousse », reprend-il.
– Cyclone et végétation fragilisée –
Lorsque les vents soufflent et que les végétaux sont très secs, les brûlis deviennent particulièrement dangereux.
Le cyclone Chido qui a frappé Mayotte en décembre, tuant au moins 50 personnes, a aggravé le risque en couchant de nombreux arbres et en fragilisant la végétation.
« Les incendies sont alimentés par les arbres tombés à cause du cyclone », précise le capitaine Chérif. La topographie complique aussi la tâche: pour limiter les cultures illégales dans une île confrontée à une forte pression démographique (858 habitants au km2), les autorités ne facilitent pas l’accès aux forêts, ce qui ralentit l’action des pompiers.
« Et le cyclone Chido, en mettant la végétation à terre, limite encore plus nos actions », souligne le commandant Baillon. L’île, par ailleurs en proie à des pénuries d’eau récurrentes, doit composer avec des moyens limités pour la lutte anti-incendie.
Ce contexte a incité le président délégué de l’office de l’eau, Nadjayedine Sidi, à s’exprimer dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux du département de Mayotte. « Il faut absolument arrêter les cultures sur brûlis, c’est dangereux pour notre territoire », a-t-il alerté.
Selon Soumaila Moeva, président des Jeunes agriculteurs de Mayotte, « il va falloir réprimander les pratiques qui ne sont pas correctes, sanctionner les personnes qui ne jouent pas le jeu ».
Devant les restes calcinés des 30 hectares brûlés à Combani, l’agriculteur réclame davantage de « moyens de contrôle à travers les airs, via des drones », alors qu’un nouveau brûlis fume encore en contrebas.