Jeudi à l’aube, dans le port du Pirée, au sud d’Athènes, des dizaines de policiers antiémeutes équipés de matraques et de gaz lacrymogène ont bouclé un terminal pour les bateaux de croisière, faisant face à des centaines de manifestants.
La colère de ces derniers était dirigée contre le « Crown Iris », un imposant paquebot touristique israélien dont chacune des escales en Grèce a donné lieu à des actions de protestation depuis le mois dernier.
Le tourisme est un pilier de l’économie grecque mais les militants propalestiniens affirment que ces visiteurs tentent d’exonérer Israël de ses responsabilités dans la guerre dans la bande de Gaza déclenchée à la suite de l’attaque sans précédent du Hamas en 2023.
– Liens plus étroits avec Israël –
Selon le Front militant des travailleurs (PAME), un syndicat affilié au Parti communiste grec qui a appelé au rassemblement de jeudi, le Crown Iris transporte des soldats israéliens.
« Nous ne pouvons pas tolérer que des personnes qui ont contribué au génocide du peuple palestinien soient parmi nous, » confie à l’AFP Yorgos Michailidis, un des manifestants au Pirée.
« Nous voulons que tout le monde voie que nous ne nous soucions pas uniquement du tourisme et de l’argent qu’il rapporte, » ajoute cet enseignant de 43 ans.
Pour Katerina Patrikiou, une soignante de 48 ans, les visiteurs « ne sont pas des touristes, ce sont des tueurs d’enfants et de civils à Gaza ».
La Grèce suit traditionnellement une politique étrangère pro-arabe mais les gouvernements de divers courants politiques ont tissé ces dernières années des liens plus étroits avec Israël en matière de défense, de sécurité et d’énergie.
– Face à la Turquie –
Athènes a soigneusement tenté de préserver ces relations avec Israël tout au long de la guerre dans la bande de Gaza, accusant l’opposition de gauche de saper l’alliance stratégique avec ce pays destinée à contrebalancer l’influence du rival historique qu’est la Turquie en Méditerranée orientale.
« Les idiots utiles pour la Turquie se trouvaient dans nos ports, où leurs actions extrêmes nuisent gravement à l’image de la Grèce en Israël, » a écrit en juillet sur X le ministre de la Santé Adonis Georgiadis.
« Nous devons protéger cette alliance comme la prunelle de nos yeux et isoler ces imbéciles (…), ceux qui affichent un comportement antisémite agissent contre les intérêts de la Grèce », avait-il ajouté.
Avant de rejoindre en 2012 le parti conservateur au pouvoir, Adonis Georgiadis était un membre éminent du parti d’extrême droite Laos et avait par le passé tenu des propos antisémites.
Lorsqu’il avait été nommé ministre de la Santé un an plus tard, la Ligue anti-diffamation (ADL) avait exhorté le gouvernement à reconsidérer ce choix, notant que M. Georgiadis avait fait des « remarques troublantes » sur les juifs et avait promu un livre antisémite.
En 2017, il avait publiquement présenté ses excuses pour avoir « coexisté avec et toléré des opinions de personnes ayant manqué de respect à des compatriotes juifs ».
– Intimider les touristes israéliens –
Des centaines de personnes à chaque fois ont tenté d’empêcher le Crown Iris d’accoster sur des îles grecques comme Rhodes, la Crète et Syros le mois dernier, des rassemblements parfois accompagnés d’affrontements avec la police.
Selon The Times of Israel, les propriétaires du navire ont décidé de contourner Syros après que 200 personnes eurent protesté à son approche.
L’ambassadeur d’Israël en Grèce, Noam Katz, a dénoncé une « tentative de nuire aux relations solides entre nos peuples et d’intimider les touristes israéliens » sur cette île des Cyclades (est).
Le ministre grec de la Protection des citoyens, Michalis Chrisochoidis, a averti que toute personne « empêchant un citoyen d’un pays tiers de visiter notre pays sera(it) poursuivie » pour racisme.
Le PAME accuse le gouvernement du Premier ministre Kyriakos Mitsotakis de « réprimer toute réaction et toute expression de solidarité envers le peuple palestinien ».
« Personne n’est raciste, personne n’a de problème avec l’identité juive. (…) Notre problème, ce sont les personnes qui soutiennent le génocide », a assuré M. Michailidis jeudi.
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