Il y a désormais peu de chance de l’éviter : le 24 juin à 06H00, marins et sédentaires arrêteront, pour la 3e fois cette année, le travail et cloueront à quai les navires de la SNCM, interrompant totalement les traversées vers le Maghreb et la Corse, à une petite encablure de la saison estivale.
Tous les syndicats, CGT – SAMMM – FO – CFE-CGC – CFDT – CFTC, ont appelé au mouvement, reconductible toutes les 24 heures, à l’exception du Syndicat des travailleurs corses (STC).
La date choisie correspondait à celle prévue pour l’assemblée générale des actionnaires de la SNCM, qui doit clôturer les comptes 2013 et entériner la reprise en main de la société par son actionnaire majoritaire Transdev (66%), avec la nomination d’un nouveau président du conseil de surveillance de la compagnie Jérôme Nanty, en remplacement de Gérard Couturier.
L’AG a été reportée au 3 juillet, mais la grève, elle, est maintenue au 24 juin. Une manière pour les syndicats de laisser une petite chance à « une grève rapide » et de sauver la saison d’été.
« Nous ne pouvons pas attendre septembre pour dénoncer les mensonges et les reniements de l’Etat », justifie le délégué CFE-CGC des officiers Pierre Maupoint de Vandeul.
« Nous réclamons que les actionnaires, dont l’Etat (25%, ndlr), respecte ses engagements (…) La grève, si elle se tient, sera de l’entière responsabilité du gouvernement », renchérit son collègue de la CGT Marin (majoritaire) Frédéric Alpozzo.
Le nouveau patron, choisi par Transdev avec l’appui de l’Etat, Olivier Diehl, déplore évidemment le moment de la grève et met en garde contre un mouvement qui pourrait conduire l’entreprise tout droit vers le tribunal de commerce.
– L’Etat en ligne de mire –
« La SNCM est sur un fil d’équilibre et nous pouvons verser à tout moment ans une situation préjudiciable. (…) Je pense que le timing n’est pas le bon », a-t-il déclaré à la Provence mercredi, annonçant une activité « en recul de 10,8% et de 13% sur la Corse » depuis le début de l’année.
Si l’entreprise est aujourd’hui en difficulté, Transdev y est pour beaucoup, pour M. Alpozzo : « ses patrons (ceux d’Olivier Diehl, ndlr) ont mis la SNCM dans toutes les pages des journaux pour la salir, c’est lamentable ».
Mais dans leurs préavis, les syndicats s’en prennent surtout, et avec virulence, à l’Etat. Car depuis 18 mois, estiment-ils, l’ancienne direction avaient mis l’entreprise sur de bons rails en lançant un plan ambitieux avec deux volets principaux.
Ce plan, longtemps soutenu par le gouvernement, prévoyait un pacte social avec 500 suppressions de postes (sur 2600), l’augmentation du temps de travail et, en face, la commande de 4 navires plus performants, avec la clef des gains de productivité.
Si le pacte social a bien été enclenché – « j’ai fait signer le taux de congés le plus bas du pavillon français », souligne M. Maupoint de Vandeul -, la commande de bateaux a été stoppée net par la reprise de contrôle par Transdev, soutenue par l’Etat. « Un déni de la parole publique » pour la CFE-CGC.
« Leur financement n’est pas chose simple compte tenu des incertitudes liées à l’Europe et les résultats de la SNCM ne sont pas à la hauteur », justifie M. Diehl.
La double condamnation infligée par Bruxelles, qui a demandé le remboursement par la compagnie d’un total de 440 millions d’aides publiques, n’est qu’un « prétexte » selon les syndicats, qui voit, plutôt, une volonté de démantèlement de la compagnie dans les actions de Transdev.
« Un immense gâchis peut être évité », écrit la CFE CGC, qui appelle de ses voeux le traitement simultané des contentieux européens, des financements et du projet industriel, et du changement d’actionnariat, Transdev souhaitant sortir du capital de SNCM.