. Quel est le lien entre l’attentat de Karachi, au Pakistan, et le scandale financier éponyme?
. Le 8 mai 2002, onze ouvriers français de la Direction des constructions navales figurent parmi les quinze morts dans un attentat à la voiture piégée. L’enquête s’oriente naturellement vers la piste islamiste, cette attaque survenant quatre mois après l’assassinat du journaliste américain Daniel Pearl.
Mais deux notes rédigées quelques mois plus tard par un ancien de la DST, dites rapports Nautilus, évoquent une autre thèse, sans vraiment l’étayer: un attentat en rétorsion à la décision de Jacques Chirac de cesser le versement de commissions à des responsables pakistanais sur des contrats d’armement. Ces rapports évoquent des rétrocommissions pour financer la campagne d’Édouard Balladur pour la présidentielle de 1995.
Cette piste est envisagée depuis 2009 par le juge antiterroriste Marc Trevidic. Pour l’heure, elle n’a pas été démontrée. Mais elle a permis aux juges financiers de se pencher sur la campagne Balladur et explique la présence de familles de victimes de l’attentat comme parties civiles dans l’enquête financière.
. Comment les comptes de campagne de Balladur ont-ils pu être validés?
. L’audition devant eux d’Édouard Balladur, le 5 septembre 1995, n’a pas convaincu les membres du Conseil constitutionnel. Ils s’interrogeaient notamment sur un versement en espèces de 10,2 millions de francs sur les comptes de campagne après le premier tour, le 26 avril 1995, soit peu ou prou l’équivalent du trou constaté. Un versement que le candidat, battu dès le premier tour, explique par des ventes de gadgets et de T-shirts dans des meetings.
Édouard Balladur « se fichait de nous », dira durant l’enquête un des Sages, Jacques Robert, convaincu de l’irrégularité des comptes. Il expliquera avoir penché « plutôt pour un potentat africain, une grosse fortune française ou les fonds secrets de Matignon », sans penser à des rétrocommissions sur des contrats d’armement.
Les rapporteurs recommanderont un rejet des comptes, une catastrophe pour Édouard Balladur, lancé dans la bataille sans le soutien d’un parti et qui aurait été redevable des dépenses de campagne sur ses deniers personnels.
Pourtant, le 11 octobre 1995, le Conseil constitutionnel, qui a eu connaissance « de faits litigieux mais ne les a pas dénoncés » selon une source judiciaire, valide les comptes après des débats houleux. Explication d’une source judiciaire: « si les comptes d’Édouard Balladur avaient été annulés, il aurait fallu annuler ceux » du vainqueur, Jacques Chirac, « qui présentaient des irrégularités moindres ».
Cette validation est avancée comme moyen de défense par l’ex-directeur de cabinet d’Édouard Balladur, Nicolas Bazire, renvoyé en correctionnelle. Elle pourrait être aussi invoquée par Édouard Balladur.
. Nicolas Sarkozy est-il en cause?
. Non. Deux de ses proches, Thierry Gaubert et Nicolas Bazire, sont renvoyés en correctionnelle, la Cour de justice de la République (CJR) va enquêter sur son mentor politique Édouard Balladur, mais l’ancien chef de l’État n’apparaît pas comme un protagoniste susceptible d’être mis en cause. Même si les juges d’instruction estiment qu’il reviendra à la CJR de décider de l’entendre comme témoin assisté, un statut intermédiaire entre simple témoin et mis en examen.
Ministre du Budget à l’époque, il est apparu dans le dossier à propos de l’aval qu’il aurait donné à la création d’une société luxembourgeoise, Heine, par laquelle transitaient des commissions sur des contrats d’armement, une pratique alors légale. Mais son administration s’était opposée en vain au versement de commissions aujourd’hui au coeur du scandale.
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