Ils accostent actuellement sur les quais du port de la Lune, inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco, mais la mairie compte déplacer leur amarrage sur la rive droite de la Garonne, en « aval immédiat » du pont levant Chaban-Delmas qui donne accès à l’hyper-centre.
Selon le Grand port maritime de Bordeaux, le projet en est « aux études techniques et réglementaires ». L’exécutif municipal a déjà obtenu de contenir le nombre d’escales de croisière dans le centre-ville, qui a doublé depuis une décennie, à « une quarantaine » par an.
« De plus en plus de Bordelais sont dérangés par l’accueil des paquebots dans le centre-ville, c’est de plus en plus mal ressenti », justifie Pierre Hurmic, maire depuis 2020, décrivant « de véritables immeubles flottants » qui se retrouvent « dans des endroits, sur le plan esthétique, parmi les plus intéressants de la ville ».
« Visuellement, ce n’est pas ce qu’il y a de plus beau… Le projet de les faire stationner un peu plus au nord, ce serait pas mal du tout », acquiesce Julien, un Bordelais de 37 ans interrogé par l’AFP sur les quais.
« Pour moi ces navires sont de gros pollueurs, ça n’a rien à faire dans le centre-ville », renchérit Charlotte, 32 ans, les fumées qui émanent des navires à quai ne passant pas inaperçues.
Selon le maire, leur relocalisation « dans les années qui viennent » permettra de relier les bateaux à l’électricité afin de limiter la pollution engendrée par leurs « moteurs au gasoil ». Construire les infrastructures nécessaires sur le lieu d’accostage actuel, « en plein périmètre Unesco », s’avérerait « très imposant et extrêmement coûteux », ajoute l’élu, jugeant « beaucoup plus facile » de le faire sur la rive droite.
– « Lourd de conséquences » –
Le projet fait cependant débat. Interrogé par le journal Sud Ouest en juillet, le président de la Chambre de commerce et d’industrie Bordeaux-Gironde, Patrick Seguin, a fustigé une « décision lourde de conséquences pour le commerce bordelais », en regrettant que la CCI n’ait pas été associée à la réflexion.
Selon une étude du géographe Victor Piganiol, un croisiériste « dépenserait en moyenne 150 euros par jour et jusqu’à 200 euros lors d’une escale » à Bordeaux, contre une moyenne de 89 euros au Havre, 80 euros à La Rochelle ou 44 euros à Marseille. Un panier plus élevé qui peut s’expliquer par l’achat de bouteilles de vin.
« Quand elles passent par Bordeaux, les plaquettes de promotion des croisières mettent en avant le vignoble et ses appellations prestigieuses », relève le chercheur. Et des visites sont organisées dans les châteaux.
Georges Simon, président de l’association de commerçants et d’artisans Bordeaux Mon Commerce, dit ne pas être « opposé » à ce projet et en comprendre les enjeux, notamment écologiques, mais il s’interroge sur l’acheminement des croisiéristes.
« Si les touristes s’arrêtent à Bordeaux, c’est pour visiter Bordeaux. Ce n’est pas pour visiter des quais vides quelques kilomètres avant le centre-ville (…) On se dit qu’il y aura obligatoirement une solution. »
La mairie mise sur son réseau de navettes fluviales pour transporter les visiteurs d’une rive à l’autre et estime que l’accostage des navires dans un secteur « moins engorgé » facilitera l’utilisation des cars pour se déplacer dans le département et la région.
« Je ne sais pas si le croisiériste lambda (…) qui est juste venu là pour faire un peu de tourisme urbain, va être capable de se motiver pour traverser la Garonne ou prendre un bus », avance Victor Piganiol.
« Pour nous, c’est formidable d’être au coeur de Bordeaux », affirmait Rony Bass, une croisiériste américaine arrivée le week-end dernier à bord du navire Seven Seas Mariner. « Nous sommes libres de partir à pied avec une carte pour explorer la ville. Sinon, il nous faudrait prendre un taxi et faire la même chose au retour. »