A Calais, le port s’organise autour des marchandises non accompagnées, en attendant la suite

« D’habitude, je fais quotidiennement des livraisons en Angleterre. Pour l’instant, de peur de rester bloqué au Royaume-Uni, on me demande de faire du non-accompagné : lundi, je suis venu prendre en charge une remorque de crabes pour la gare de marée de Boulogne-sur-mer », raconte Mehdi, chauffeur de la société RDV, croisé près de la zone d’embarquement des ferries. Ce matin, il est venu livrer une remorque pour l’Angleterre et en récupérer une autre pour Douvrin (Pas-de-Calais).

Mardi matin, de nombreux camions, notamment immatriculés en Roumanie, amenaient dans un ballet incessant leur remorque sur les vastes parkings de pré-embarquement des ferries, avant de repartir avec une remorque non-accompagnée – « nonac » – venue de Douvres.

Une activité qui contraste fortement avec le calme presque irréel de lundi, au port comme au site du tunnel sous la Manche. En temps normal, des ferries remplis de poids lourds effectuent des rotations Calais-Douvre presque continues – 1h30 de traversée du détroit.

Après l’annonce dimanche de l’interdiction stricte d’entrée en France de toute personne venant du Royaume-Uni pendant 48 heures, le port de Calais a mis quelques heures à s’adapter au service « nonac », sans toutefois égaler son trafic habituel.

« A 8H00, le trafic est faible, avec 350 poids lourds », mais « nous observons une demande accrue pour les traversées en mode non-accompagné, qui reste cependant raisonnable », analysait le directeur général délégué des ports de Calais et Boulogne-sur-Mer, Benoît Rochet.

Selon la direction, une centaine de remorques seulement a été importée dans la journée de lundi.

Un trafic limité par le manque de manutentionnaires au port de Douvres, déplore le patron de l’entreprise de transports Carpentier, David Sagnard. « On ne peut pas embarquer plus de 12 remorques sur un ferry et s’ajoute à cela le problème de stockage à Douvres: leur capacité n’est que de 100 remorques », regrette-t-il.

– Demande multipliée par 10 –

Du côté de VIIA, filiale de transport de marchandises de la SNCF, gestionnaire des lignes de fret notamment depuis Le Boulou, à la frontière espagnole, la demande de transport de fret non-accompagné a été « multipliée par 10 » depuis dimanche. Daniel Lebreton, directeur commercial et marketing, précise toutefois que beaucoup de transporteurs ont ensuite annulé leur demande de peur que leurs chauffeurs se retrouvent bloqués outre-Manche.

Transportées en « nonac » par le rail, les remorques sont en effet majoritairement remontées sur un camion avec chauffeur au port de Calais. En temps normal, seules « 5 ou 6 remorques par navire » partent sans accompagnement. « En ce moment, ils sont peut-être à 16 mais ils ne peuvent pas faire beaucoup plus, ils ne peuvent pas fournir », explique M. Lebreton. Les lignes de VIIA atteignent un taux de remplissage de 95%, contre 85% habituellement.

Cette situation accélère selon lui une tendance de fond liée au Brexit, le « nonac » permettant de gagner du temps sur les formalités à la frontière.

A quelques kilomètres du terminal maritime, le vaste relai-routier Calais TruckStop, à Marck-en-Calaisis, est, lui, loin de connaître l’activité qu’il pourrait espérer.

« Dès dimanche soir et lundi » matin, « nos parkings se sont vidés », déplore Antoine Ravisse, PDG de la société, dont les installations peuvent accueillir 300 poids lourds.

Selon lui, seule « une ou deux dizaines » de conducteurs sont restés en attente à Calais après les annonces du gouvernement, « des long-courriers très éloignés de leur société mère ».

« Je plains ceux qui ont dû traverser le détroit dimanche puisqu’ils ne sont pas assurés de réembarquer vers Calais avant Noël. On ne connaît pas la suite et même si un lever du +blocus+ est opéré dans les heures à venir, il faudra s’attendre à un bel engorgement dès que les milliers d’ensembles routiers immobilisés sur les routes et autoroutes anglaises seront libérés », prévoit-il.

Voir les autres articles de la catégorie

ACTUALITÉS

Le Bénin et la mer

Découvrez GRATUITEMENT le numéro spécial consacré par Marine & Océans au Bénin et la mer

N° 282 en lecture gratuite

Marine & Océans vous offre exceptionnellement le numéro 282 consacré à la mission Jeanne d’Arc 2024 :
  • Une immersion dans la phase opérationnelle de la formation des officiers-élèves de l’École navale,
  • La découverte des principales escales du PHA Tonnerre et de la frégate Guépratte aux Amériques… et de leurs enjeux.
Accédez gratuitement à la version augmentée du numéro 282 réalisé en partenariat avec le Centre d’études stratégiques de la Marine et lÉcole navale

OCÉAN D'HISTOIRES

« Océan d’histoires », la nouvelle web série coanimée avec Bertrand de Lesquen, directeur du magazine Marine & Océans, à voir sur parismatch.com et sur le site de Marine & Océans en partenariat avec GTT, donne la parole à des témoins, experts ou personnalités qui confient leurs regards, leurs observations, leurs anecdotes sur ce « monde du silence » qui n’en est pas un.