À Marseille et Saint-Malo, le casse-tête des cargos russes gelés

Brest (France), 4 oct 2025 (AFP) – Figés par les sanctions européennes contre Moscou, deux imposants navires russes bloquent les quais à Saint-Malo et Marseille et accumulent des dettes depuis 2022. Face au risque d’abandon, les acteurs portuaires tirent la sonnette d’alarme.

Ce sont deux cargos identiques de 141 mètres de long, construits en 2021 et capables de transporter plus de 11.000 m3 de marchandises. Depuis février et mars 2022, le « Vladimir Latyshev » et le « Victor Andryukhin » n’ont pas bougé des ports de Saint-Malo et Marseille, où ils ont été « gelés » par les douanes françaises, dans le cadre des sanctions européennes contre la Russie.

Des marins russes se relaient tous les 5 à 7 mois pour assurer leur entretien. « La nouveauté, c’est que l’armateur ne veut plus honorer ses engagements », pointe Stéphane Perrin, vice-président de la région Bretagne, propriétaire du port de Saint-Malo.

L’armateur russe Alpha LLC, qui n’a pas répondu à l’AFP, ne paye plus les frais des navires en carburant, électricité, frais portuaires ou vivres pour les marins.

A Saint-Malo, le fabricant d’engrais Timac Agro, qui avançait les dépenses du navire, a une ardoise de 200.000 euros depuis le début de l’année, selon M. Perrin. Interrogée par l’AFP, Timac a seulement indiqué avoir confié « aux autorités compétentes » le suivi du navire « après avoir assuré les besoins immédiats de l’équipage ».

– Vente aux enchères –

La société malouine a en outre enclenché une procédure de saisie conservatoire du « Vladimir Latyshev », selon un procès-verbal consulté par l’AFP.

A Marseille, le « Victor Andryukhin » pourrait subir le même sort. « S’il faut vendre le navire aux enchères, on ira récupérer nos fonds », a assuré à l’AFP David Lebec, directeur financier de l’agent maritime AFCC, qui avançait les frais du navire jusqu’à début septembre.

L’armateur russe « nous doit 450.000 euros: ça met en péril la société », a souligné M. Lebec, qui a dû abandonner le navire pour « sauver » ses cinq salariés.

« On s’est retrouvé le dindon de la farce, coincé entre les services de l’État, les banques et la Russie et ça nous a bouffé toute notre trésorerie », a résumé le dirigeant qui estime que chaque bateau vaut entre « 15 et 20 millions d’euros ».

Cerise sur le gâteau: les navires ne sont plus assurés, selon un courriel de la direction d’Alpha LLC, consulté par l’AFP. L’armateur y évoque un refus des compagnies d’assurance de prendre en charge les cargos en raison de la procédure de gel.

« En cas d’accident du travail ou de maladie, il n’y a pas de prise en charge pour les marins. En cas de décès, il n’y a pas d’indemnité », s’inquiète Laure Tallonneau, inspectrice de la Fédération internationale des transports (ITF).

« Les marins ne veulent pas être rapatriés tant qu’ils sont payés », reconnaît-elle, « mais ils n’ont pas conscience que c’est hyper dangereux de ne pas avoir d’assurance. »

Les vivres des marins de Saint-Malo ne sont en outre pourvus que jusqu’au 20 octobre et le carburant risque de s’épuiser bientôt, souligne Mme Tallonneau.

-« Situation de péril »-

« Il est temps d’agir », tonne M. Perrin, le vice-président de la région Bretagne, qui appelle l’État à « assumer ses responsabilités ».

« On est aujourd’hui dans une situation critique. L’étape ultime, c’est l’abandon pur et simple du navire. Ce serait une situation de péril. Il faut absolument qu’on sorte de là rapidement », ajoute-t-il, en plaidant pour que le navire rejoigne un port d’État.

Interrogée, la préfecture d’Ille-et-Vilaine n’a pas répondu. « Pour l’heure, nous n’avons pas connaissance d’une situation d’abandon imminent du navire », a indiqué le ministère de l’Économie et des Finances.

A Marseille, le grand port maritime a décidé de maintenir « l’approvisionnement en courant pour des raisons à la fois humanitaires et de sécurité », a confié à l’AFP Stéphane Peron, directeur adjoint de la Direction Interrégionale de la Mer Méditerranée.

« La situation de l’équipage est globalement correcte, les salaires sont payés et des relèves d’équipage sont effectuées par l’armateur », a-t-il précisé.

« Si la situation des marins venait à se dégrader nous pourrions au besoin faire appel à une enveloppe d’urgence (…) pour permettre l’achat de produits alimentaires et de première nécessité, jusqu’au rapatriement » éventuel de l’équipage, a-t-il ajouté.

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