Assis à une des tables du Camion Blanc, un snack prisé de Mamoudzou, le chef-lieu du petit archipel de l’océan Indien, Théo Ledray tente de télécharger des films depuis une plate-forme de streaming.
Mais à Doujani, chez ce professeur de sport, impossible de se connecter car il n’est plus raccordé à l’ADSL depuis le passage du cyclone Chido le 14 décembre. Si certains de ses collègues arrivent à préparer leurs cours grâce au réseau mobile et au partage de connexion, la 4G est quasi absente de son quartier de Mamoudzou.
« Je viens tous les jours ici », explique-t-il en montrant sa table qui surplombe le port de plaisance, où certaines épaves de bateaux gisent encore.
Comme lui, « environ 15% des abonnés à l’ADSL à Mayotte n’ont plus de connexion internet », selon Yves Gauvin, directeur général adjoint SFR Réunion Mayotte, qui se fie au nombre de clients qu’il a perdus.
Le passage du cyclone a gravement endommagé une partie du réseau cuivre et plusieurs quartiers sont privés de connexion fixe depuis. Dans le 101e département français, « 70% des pylônes et des câbles de cuivre ont été détruits par le cyclone », souligne Simon Chiarisoli, directeur programme chez Orange Réunion Mayotte.
« Compte tenu de ce niveau de destruction, notre stratégie a été de réparer ce qui pouvait l’être mais de ne pas reconstruire quand le réseau était trop abîmé. Car la volonté nationale est de fermer le réseau cuivre », souligne ce cadre de l’opérateur de ce réseau.
Le plan Mayotte debout, présenté par le Premier ministre François Bayrou le 30 décembre, prévoyait le déploiement accéléré de la fibre optique sur le territoire.
Pour atteindre cet objectif, 50 millions d’euros ont été mobilisés par l’Etat dans le cadre du plan France très haut débit. A cela s’ajoutent des fonds européens à hauteur de 10 millions et une enveloppe départementale de 24 millions.
– Accélérer les chantiers –
Le département de Mayotte, qui pilote le déploiement de la fibre, a ainsi lancé un appel d’offres dans le cadre d’une délégation de service public de 30 ans et a choisi Mayotte THD, filiale du groupe réunionnais Océinde, comme opérateur industriel.
« Nous nous sommes engagés à raccorder 100% des foyers, des entreprises et des institutions de Mayotte d’ici cinq ans via un investissement de 183 millions d’euros », indique Emmanuel André, directeur général du pôle télécommunications d’Océinde, qui assume la moitié de l’effort, le reste étant abondé par des fonds publics.
« C’est ce montage économique qui nous a permis de remporter l’appel d’offres face à Orange », estime le dirigeant.
Orange a malgré tout décidé de lancer sur ses fonds propres un « vaste chantier de déploiement de la fibre optique dans les communes les plus denses comme Mamoudzou, Combani, Koungou, Pamandzi et Dzaoudzi », souligne dans un communiqué l’opérateur historique, présent à Mayotte depuis 1975. Sa promesse: permettre à plus de 6.000 logements d’être éligibles à la fibre d’ici la fin de l’année.
Un « passage en force » pour Mayotte THD, qui estime qu’il « remet en cause l’équilibre économique du projet public ».
Car l’opérateur local promet lui le raccordement de tous les habitants de l’archipel, dont le nombre est estimé par l’Insee à environ 330.000.
« Evidemment, il est beaucoup plus rentable de cibler les zones les plus denses. Ce sont les plus faciles à construire et l’hyper-concentration fait que le rendement est meilleur. Mais en France, le modèle de la fibre est toujours le même: les zones denses financent les zones plus pauvres », fait valoir Emmanuel André.
Dans ce contexte concurrentiel, les deux opérateurs veulent accélérer les chantiers pour séduire les premiers abonnés.
« Orange connaît bien le réseau et a déjà des équipes sur place. Son objectif est de retrouver le plus rapidement possible ses clients », observe Yves Gauvin, qui souligne que « pour les Mahorais, cette concurrence est une bonne chose. Cela va permettre d’accélérer le déploiement de la fibre ».
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