Accord sur la décarbonation des bateaux: vote décisif sous pression américaine

Londres, 17 oct 2025 (AFP) – Les pays membres de l’Organisation maritime internationale (OMI) ont repris vendredi à Londres, dans la division, leurs travaux sur l’adoption d’un plan pour réduire les émissions de gaz à effet de serre des navires, qui doit être voté dans la journée, mais que les Etats-Unis tentent de bloquer.

L’adoption de ce texte, déjà approuvé en principe en avril, permettrait au secteur, extrêmement polluant, de prendre un virage climatique historique en contraignant les navires à réduire progressivement leurs émissions dès 2028, jusqu’à décarbonation totale vers 2050.

Le système envisagé « n’est pas parfait », a reconnu Arsenio Dominguez, le secrétaire général de l’OMI, à l’ouverture du sommet mardi. Mais « il fournit une base équilibrée. »

La journée de jeudi a été marquée par de longues négociations entre les délégations –qualifiées de « chaotiques » par le représentant russe– qui se sont achevées à 3H30 du matin (2H30 GMT).

M. Dominguez a demandé à ce que les membres de l’OMI, une agence de l’ONU où règne habituellement la règle du consensus, « ne réitérèrent pas » cette manière de négocier.

– Marche arrière –

Le plan litigieux vise à faire payer aux bateaux une sorte de taxe sur leurs émissions au-delà d’un certain seuil, en vue d’alimenter un fonds récompensant les navires à faibles rejets et soutenant les pays vulnérables au changement climatique.

Cette tarification du CO2 doit les inciter à utiliser des carburants moins émetteurs de gaz à effet de serre.

Les pays de l’Union européenne, le Brésil et la Chine ont réitéré cette semaine leur soutien à l’adoption de ce « cadre net-zéro » (appelé aussi NZF).

Les Etats insulaires du Pacifique, qui s’étaient abstenus en avril, jugeant la mesure insuffisante, ont finalement indiqué qu’ils y étaient favorables.

Mais l’opposition est forte du côté des Etats-Unis, de l’Arabie saoudite, de la Russie et des pays producteurs de pétrole.

Donald Trump, attaché aux énergies fossiles et qui a enclenché une marche arrière sur le climat depuis son retour au pouvoir, a appelé jeudi sur son réseau Truth Social à voter contre ce plan.

« Les États-Unis ne toléreront PAS cette arnaque verte mondiale sous forme de taxe sur le transport maritime et ne s’y conformeront d’aucune manière », a-t-il affirmé.

« Nous ne tolérerons pas d’augmentation des prix pour les consommateurs américains NI la création d’une bureaucratie verte pour dépenser VOTRE argent dans leurs rêves écologiques », a poursuivi le président américain, qui a dans le passé qualifié le changement climatique de « plus grande arnaque » de l’Histoire.

Les Etats-Unis vont jusqu’à menacer les délégations favorables au projet, avec des restrictions de visas pour les membres de leurs équipages, des pénalités commerciales ou des frais portuaires supplémentaires.

– Manoeuvres américaines –

Le représentant brésilien a dénoncé vendredi en plénière les « méthodes » américaines, disant espérer « que cela ne remplacera la manière habituelle de prendre des décisions au niveau mondial ».

Les pressions américaines pourraient affecter des « pays malheureusement plus sensibles à l’influence » des Etats-Unis, a reconnu une source européenne auprès de l’AFP.

Les Philippines — pays qui fournit le premier contingent mondial de travailleurs du secteur — pourraient faire évoluer leur position. Tout comme les îles des Caraïbes, dépendantes économiquement des croisières américaines. L’Argentine prévoit pour sa part de voter contre.

Le vote pourrait donc être très serré, d’autant que les Etats-Unis préconisent, dans un dernier coup de théâtre, d’en changer ses modalités afin de le faire capoter.

Les nouvelles réglementations de l’OMI sont habituellement considérées comme acceptées sauf si un tiers de ses 176 membres (ou alors l’équivalent de la moitié de la flotte marchande mondiale) déclare s’y opposer – un processus connu sous le nom d' »acceptation tacite ».

Mais Washington propose une « acceptation explicite », qui inverserait les rôles et nécessiterait que deux tiers des nations optent officiellement pour l’adoption.

Ce changement de procédure, dans laquelle pèsent les abstentionnistes, doit être examiné vendredi par l’OMI.

Les principales associations et organisations maritimes se sont pour leur part déclarées favorables à l’adoption du NZF, dans un souci de lisibilité réglementaire.

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