Affaire Kohler: la question cruciale de la prescription devant la cour d’appel de Paris

Paris, 29 sept 2024 (AFP) – La défense d’Alexis Kohler abat mardi devant la cour d’appel de Paris une carte majeure: appuyée par le ministère public, elle demande la prescription d’une bonne partie des faits de prise illégale d’intérêts reprochés au secrétaire général de l’Elysée pour ses liens familiaux avec l’armateur MSC.

Depuis septembre 2022, Alexis Kohler est mis en examen pour prise illégale d’intérêts pour avoir participé comme haut fonctionnaire de 2009 à 2016 à plusieurs décisions relatives à l’armateur italo-suisse MSC dirigé par les cousins de sa mère, la famille Aponte.

D’abord, de 2009 à 2012, comme représentant de l’Agence des participations de l’Etat (APE) au sein du conseil d’administration de STX France (devenu Chantiers de l’Atlantique) mais aussi au conseil d’administration du Grand port maritime du Havre (GPMH). Huit délibérations favorables à MSC ont été établies.

Il est ensuite soupçonné d’avoir, entre 2012 et 2016, participé à des choix sur des dossiers impliquant MSC à Bercy, au cabinet de Pierre Moscovici puis d’Emmanuel Macron.

Depuis le début, la défense d’Alexis Kohler affirme d’une part qu’il s’est toujours tenu à l’écart de toute décision relative à MSC et qu’il a informé ses supérieurs de l’existence de liens familiaux « très au-delà de ses obligations déontologiques ».

D’autre part, elle assure au terme d’un calcul juridique qu’une partie des faits, antérieurs à 2014, sont prescrits.

Dans une ordonnance lue par l’AFP, les magistrats instructeurs ont tranché en avril 2023 sur l’absence de prescription des faits.

Ils ont argué notamment que M. Kohler avait accompli des « actes positifs pour dissimuler » ce conflit d’intérêt, ce qui permet de placer le début du délai de prescription au moment où ils ont été révélés par Mediapart en mai 2018, et donc de déclencher des poursuites.

Pour les juges, M. Kohler a en effet tu cette attache en n’informant que de manière « restreinte ses collaborateurs directs » et a opté pour une « non-révélation délibérée de ce lien à des interlocuteurs majeurs » institutionnels ou économiques impliqués avec lui dans des orientations relatives à MSC.

Deux anciens patrons de l’APE, Bruno Bézard (2007-2010) et Jean-Dominique Comolli (2010-2012) sont mis en cause pour leur « pacte de silence » avec M. Kohler qui résulterait d’un « embarras » quant à cette situation.

– Dissimulation –

La défense ayant contesté la position des magistrats, l’affaire arrive mardi à 14H00 devant la cour d’appel. La décision est attendue dans plusieurs semaines.

Selon des éléments de ses réquisitions écrites consultés par l’AFP, le parquet général prône une position comparable à celle du Parquet national financier (PNF) et de la défense de M. Kohler, en approuvant la prescription des faits relatifs à STX et au GPMH.

Pour l’avocat général, M. Kohler « a assuré l’information large de sa situation personnelle à sa hiérarchie », à l’APE comme à Bercy. Cette « relative transparence » permet d’écarter toute dissimulation et donc de retenir la prescription.

Côté Anticor, partie civile dont la plainte avait permis la saisine des juges en 2020, on prône la confirmation des poursuites, soulignant une « continuité de fonctions » de M. Kohler entre 2008 et 2018 et une dissimulation de sa part de ses liens familiaux.

Ces recours ne sont qu' »un nouvel épisode dans les efforts colossaux qui ont été faits pour enterrer cette affaire, qu’il s’agisse de l’intervention sans précédent du président de la République, ou des ennuis faits à Anticor dont l’opiniâtreté est à l’origine de ce dossier », a réagi auprès de l’AFP le conseil de l’association, Me Jean-Baptiste Soufron, saluant « l’indépendance des juges » qui ont mis en examen M. Kohler.

Si la prescription était approuvée par la cour, le périmètre de l’enquête pourrait être fortement raboté s’agissant de M. Kohler, et les poursuites tomberaient pour MM. Bézard et Comolli. Dans le cas contraire, la défense pourrait former un pourvoi.

Le PNF, opposé depuis le début à des poursuites dans ce dossier politico-financier sensible et qui avait classé la première plainte d’Anticor, guette la position de la cour d’appel pour prendre ses réquisitions sur un renvoi ou non du dossier devant le tribunal correctionnel.

Le président de la République, Emmanuel Macron, a exprimé à plusieurs reprises sa « confiance » en son « honnête » bras droit et estimé que la « procédure n'(était) pas en train d’aboutir ».

Les avocats en défense n’ont pas souhaité commenter.

gd-mk/mat/tes

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