Après Chido, Mayotte mise sur les matériaux traditionnels pour rebâtir

Bouéni (France), 21 oct 2025 (AFP) – À Mayotte, où le cyclone Chido a ravagé des milliers d’habitations en décembre 2024, le bambou et la brique de terre comprimée (BTC) refont surface. Deux matériaux anciens, locaux et durables, que leurs défenseurs veulent remettre au coeur de la reconstruction.

Dans l’arrière-mangrove de la baie de Bouéni (sud-ouest), Omar Massoundi aiguise sa tronçonneuse au pied d’un bosquet de bambous. Les tiges coupées par l’équipe de techniciens en insertion qu’il encadre ne finiront pas toutes abandonnées là: une partie sera confiée à l’entreprise Lilo Bambou, qui construira avec des farés (« abris ») agricoles.

« Dans tous les cas, ça va être coupé, donc autant que ça serve », résume Eloi Contant, du Groupe d’études et de protection des oiseaux de Mayotte (Gepomay), gestionnaire du site.

Dans l’arrière-pays ou en bord de route, les massifs touffus de bambou sont visibles partout. Espèce exotique envahissante (EEE), les autorités recommandent toutefois sa « valorisation », tant il reste recherché « pour de nombreuses utilisations ».

« Nos grands-parents utilisaient le bambou pour des constructions qui duraient longtemps », rappelle Omar Massoundi, espérant voir renaître des bâtis solides dans cette matière locale.

À Coconi, Louis Dossal, fondateur de Lilo Bambou, transforme la plante en charpente, revêtement ou toiture. Le résultat: des structures légères et élégantes, où les poutres entrelacées composent un dessin aérien. « Les structures qu’on avait construites en bambou avant le cyclone ont tenu », assure-t-il.

Pour l’architecte Thibaut Fung Kwok Chine, son partenaire, le bambou offre un atout unique: « C’est le seul matériel disponible localement et rapidement ».

Dans les semaines suivant Chido, ils ont bâti ensemble une serre d’urgence en bambou. Reste pour cette filière artisanale à se structurer davantage pour être compétitive.

Le bambou n’est pas le seul matériau traditionnel à regagner du terrain. La brique de terre comprimée (BTC) retrouve elle aussi une seconde vie sur l’île.

– Brique de terre –

Composée de 70% de terre d’excavation, 25% de sable et 5% de ciment, la BTC a connu son âge d’or dans les années 1980, quand la Société immobilière de Mayotte (SIM), principal baileur social du territoire, a construit environ 14.000 logements avec ce matériau.

Mais l’arrivée du béton, un changement de stratégie de la SIM et des normes nouvelles ont conduit à son abandon au début des années 2000.

L’association Art Terre travaille à sa réhabilitation. En 2022, elle a obtenu la validation de règles professionnelles permettant son usage. « Depuis, la BTC est beaucoup sollicitée dans les commandes publiques », souligne Dominique Tessier, directeur du Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) de Mayotte.

La SIM s’est engagée à en réintégrer 20% dans ses futures constructions, explique Melvyn Gorra, le coordinateur d’Art Terre. « C’est un peu plus cher que le parpaing », concède-t-il, mais « les coûts s’équilibrent » grâce aux qualités isolantes du matériau.

Benoit Gars, installé à la tête de l’Etablissement public de reconstruction et de développement (EPRD) de l’archipel, évoquait fin septembre au congrès HLM à Paris la création d’un « centre d’excellence » autour de la BTC.

Objectif: développer la formation, la recherche et la production locale pour créer une véritable « filière » capable de concurrencer le béton. Car la BTC doit encore convaincre.

« Les particuliers n’ont pas forcément confiance dans ces matériaux », regrette Dominique Tessier. La BTC demande aussi un entretien régulier, rappellent les spécialistes, ce qui freine son adoption.

Mais pour Melvyn Gorra, les maisons en BTC ont fait leurs preuves. Celles qui datent des années 80 « ont subi le cyclone, des séismes, et sont toujours là », appuie-t-il.

Comme pour le bambou, le principal défi reste la production. Seules trois briqueteries existent à Mayotte, pour environ deux millions de briques par an. Parmi elles, l’entreprise Terre & Eau 976, dirigée par Madi Madi Halidi, peine encore à peser dans la reconstruction.

Le chef d’entreprise assure néanmoins avoir bon espoir de retrouver « la dynamique qui existait avant ». Une nouvelle machine doit lui permettre d’ici fin 2025 de passer de 400.000 à six millions de briques par an. Prochaine étape: former de jeunes maçons pour retrouver une main d’oeuvre qualifiée.

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