Au Salon nautique de Paris, la filière électrique s’affirme

Moins massifs que les grands voiliers et les immenses yachts qui toisent les visiteurs arpentant les allées du Parc des expositions, les bateaux électriques suscitent pourtant une demande croissante.

« Les gens s’y intéressent de plus en plus parce que c’est +vert+, il n’y a pas de bruit et il y a moins d’entretien sur les modèles électriques que sur les modèles essence », énumère auprès de l’AFP Guillaume Berna-Nolleau, chargé du développement commercial France et export de Ruban bleu, qui se présente comme le leader européen des bateaux électriques destinés à la navigation fluviale.

« On a fait 80 bateaux pour la saison 2018 » (achevée le 30 septembre), se félicite Thibault de Veyrinas, le directeur de Ruban bleu, surgi de l’arrière du stand pour saluer « une progression de 30% » des ventes par rapport à la saison 2017.

À quelques mètres de là, changement de couleur, mais pas de tendance: devant les panneaux orange vif de Saviboat, Anthony Morley se réjouit d’avoir presque doublé ses ventes sur la saison 2018, en passant d’une « bonne vingtaine » d’exemplaires écoulés en 2017 à « une quarantaine d’unités vendues cette année ».

Contacté par l’AFP, le président de l’Association française pour le bateau électrique (AFBE) Xavier de Montgros évalue la part de marché de la filière à « environ 1% des ventes » annuelles de bateaux en France, soit « 5.000 bateaux de plaisance et 70 bateaux professionnels ».

Un chiffre qui pourrait d’après lui grimper à « 30% dans vingt ans », pour une filière dont le chiffre d’affaires, en cours d’évaluation par l’AFBE, se compterait en « dizaines de millions d’euros ».

– « Tout petit marché » –

Planté entre deux bateaux dont la coque bleu marine vante en lettres blanches leur propulsion « 100% électrique », M. Berna-Nolleau nuance quelque peu l’ardeur du patron de l’AFBE.

« Le bateau électrique, c’est vraiment un tout petit marché », affirme-t-il en rappelant que malgré sa position sur le marché, Ruban bleu est « une petite PME de sept personnes ».

Une discrétion corroborée par l’emplacement relativement périphérique que les organisateurs du Salon ont réservé à la filière électrique.

« Il est complètement nul! » proteste l’un des exposants, pour qui l’espace dévolu à la filière s’éloigne de l’entrée du hall, au fur et à mesure que les années passent.

Dans le stand voisin, Emmanuel Bouteleux alerte sur les défis plus structurels auxquels sont confrontés les acteurs de l’électrique.

« Il faut avoir les infrastructures qui permettent de recharger les bateaux à quai », relève auprès de l’AFP le représentant du bureau d’études Mincatec, spécialisé dans la motorisation électrique.

Sans compter que par rapport aux bateaux à propulsion thermique, « il y a quand même un surcoût », évalué à entre 30 et 50% selon M. Bouteleux.

« On est à entre 30 et 100% de surcoût selon les capacités de batterie, d’autonomie… » estime, plus pessimiste encore, le président de l’AFBE.

Pour doper le développement de l’électrique, Xavier de Montgros en appelle notamment aux pouvoirs publics, incités à réserver certaines zones de navigation à des bateaux « zéro émission » et à mettre en place une prime favorisant les énergies propres.

« Il faut que les ports s’équipent, que les gens aient des prises costaudes », suggère-t-il par ailleurs.

Pour l’instant, « la plupart des bateaux font huit heures à vitesse raisonnable et une ou deux heures à fond. Il y a même des bateaux qui sont capables de faire 15 ou 16H », indique M. de Montgros.

La question de l’autonomie est centrale pour le développement de la filière: pour l’instant, Ruban bleu se concentre ainsi uniquement sur la navigation fluviale, la navigation marine étant encore jugée trop périlleuse.

« Imaginez que vous vous retrouvez en mer avec 15-20% de batterie: si la houle se lève, vous risquez de ne pas avoir suffisamment de puissance pour rentrer au port », soupire-t-il.

Pas de quoi assombrir l’humeur de Philippe Guillemot, chargé du développement à Mincatec: « Il y a dix ans, les bateaux électriques, c’était de la science-fiction! »

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