Le premier jour du sommet de l’Organisation maritime internationale (OMI) a été marqué par les fortes oppositions entre les membres qui soutiennent ce premier système mondial de redevance liée aux émissions et ceux, parmi lesquels de nombreux pays producteurs de pétrole, qui le rejettent.
Une adoption officielle cette semaine de cette proposition -qui avait déjà été approuvée en avril- permettrait au secteur, extrêmement polluant, d’opérer un virage climatique historique en contraignant les navires à réduire progressivement leurs émissions dès 2028, jusqu’à décarbonation totale vers 2050.
Mais en se positionnant vendredi « catégoriquement » contre la proposition, jugeant ses répercussions économiques potentiellement « désastreuses », les Etats-Unis de Donald Trump tentent de faire basculer la décision.
Washington « ne tolérera aucune mesure susceptible d’augmenter les coûts pour nos citoyens, nos fournisseurs d’énergie, nos compagnies maritimes et leurs clients, ou encore nos touristes », écrivent le secrétaire d’Etat américain Marco Rubio et ses homologues à l’Energie et aux Transports dans un communiqué.
Ils vont jusqu’à menacer les pays qui voteraient en faveur du projet, avec des restrictions de visas pour les membres de leurs équipages, « des pénalités commerciales » ou « des frais portuaires supplémentaires ».
– « Base équilibrée » –
Les grands producteurs d’hydrocarbures tels que l’Arabie saoudite, la Russie et les Emirats arabes unis, rejettent également la mesure, invoquant des effets négatifs sur l’économie, même si contrairement aux Etats-Unis ils restent en principe en faveur de la décarbonation du secteur.
« Le mécanisme économique dans sa forme actuelle revient à détourner des fonds du secteur pour résoudre des problèmes non liés à la navigation » et aux dépens de celle-ci, a fait valoir mardi le représentant russe à l’OMI lors de la première session plénière du sommet.
Malgré ces fortes oppositions mardi, la grande majorité des pays qui avaient soutenu en avril cette proposition (appelée cadre « zéro émission net » ou NZF) devraient maintenir leur position.
« Le cadre net-zero de l’OMI n’est pas parfait. Cependant, il fournit une base équilibrée », a soutenu Arsenio Dominguez, le secrétaire général de l’OMI.
Les pays de l’Union européenne, le Brésil, la Chine, et d’autres ont notamment réitéré leur soutien à l’adoption du NZF, et les pays insulaires du Pacifique qui s’étaient abstenus en avril jugeant la mesure insuffisante, sont désormais favorables à l’adoption.
Les « défis mondiaux exigent des solutions au niveau mondial » a affirmé la représentante chinoise, insistant sur le soutien de Pékin au multilatéralisme.
– Difficile d’y échapper –
Le NZF vise à faire payer aux bateaux une sorte de taxe sur leurs émissions au-delà d’un certain seuil, en vue d’alimenter un fonds qui récompensera les navires à faibles émissions et soutiendra les pays vulnérables au changement climatique.
Si un tel système mondial de tarification des émissions était adopté, il deviendrait difficile d’y échapper, même pour les Etats-Unis, car les conventions de l’OMI permettent à leurs signataires d’inspecter les navires étrangers en escale et même de retenir les bateaux qui ne sont pas en règle.
Les menaces américaines pourraient affecter d' »autres pays malheureusement plus sensibles à l’influence américaine et qui seraient touchés par ces rétorsions », reconnaît une source européenne auprès de l’AFP.
Les îles des Caraïbes, dépendantes économiquement des croisières américaines, pourraient aussi être particulièrement affectées par des sanctions américaines.
Les Philippines, favorables au NZF en avril et qui fournissent le premier contingent mondial de travailleurs liés au secteur maritime, souffriraient par exemple particulièrement des restrictions au niveau des visas.